XI JINPING (1953- )
Vers une évolution des formes du pouvoir ?
Xi Jinping consolide rapidement son emprise sur le régime : il fait taire les contestations, élimine ses rivaux et abroge les limites institutionnelles à la reconduction de son pouvoir. En 2018, il fait ainsi abolir la loi limitant à deux le nombre de mandats consécutifs pouvant être exercés par le président de la RPC.
La vitesse avec laquelle Xi Jinping a pu consolider son assise ne laisse pas de surprendre les observateurs de la Chine. Mais cet empire n’est pas sans failles.
Deux principaux facteurs permettent de rendre compte de la capacité du « Nouveau Timonier » à prendre le contrôle des institutions. En premier lieu, Xi Jinping, qui a grandi au sein du parti, connaît le fonctionnement intime du régime, ce qui le dispensait d’une phase d’apprentissage. Ensuite, il parvient au pouvoir avec un réseau déjà constitué (contrairement à Jiang Zemin ou Hu Jintao) et diversifié qui repose sur les provinces – où il a passé plus de vingt ans –, l’élite du parti (les taizijun ou « fils de princes »), qu’il côtoie depuis sa prime jeunesse, et l’armée, où il prend appui sur sa seconde femme – Peng Liyuan est une chanteuse militaire très populaire –, ainsi que sur les relations qu’il a pu nouer lorsqu’il était au service de Geng Biao.
Qu’en est-il dès lors de l’étendue de ce pouvoir ? Nombre d’observateurs créditent Xi Jinping d’une emprise sur les institutions comparable à celle dont Mao pouvait se prévaloir. Il est en effet parvenu à centraliser les instances de décisions entre ses mains : de nombreuses politiques sont désormais élaborées au sein de petits groupes dirigeants contrôlés par lui ou au sein d’un cabinet informel constitué de ses conseillers les plus proches. Le pouvoir a ainsi pris une tournure beaucoup plus personnelle, mettant fin à la tendance d’institutionnalisation croissante du régime. La campagne anticorruption entamée par Xi Jinping dès 2012 est venue consolider ce pouvoir. Celle-ci peut être vue comme une fusée à double étage : à la base (au niveau des « mouches »), il s’agit d’éradiquer les mauvaises pratiques des cadres qui sapent l’autorité du parti ; au sommet (au niveau des « tigres »), on est face à une campagne politique d’ampleur destinée à écarter les ennemis et concurrents potentiels, tels que Bo Xilai, dont certains pensaient qu’il prendrait la tête du Parti, ou encore le général Guo Boxiong, ancien vice-président de la commission militaire centrale). Le pouvoir de Xi Jinping semble si bien établi qu’il a pu se permettre de faire inscrire, en 2017, sa pensée dans les statuts du parti de son vivant. Il est même le seul membre du parti, avec Mao, à être qualifié de « noyau dirigeant » (lingdaohexin). Sur le plan social, le pouvoir a également repris du terrain : contrôle croissant d’Internet, dissidents réduits au silence, propagande omniprésente, « lutte contre l’influence pernicieuse des valeurs occidentales », contrôle des enseignants et des contenus culturels, loi sur les ONG… Cependant, la comparaison avec Mao peut se révéler trompeuse. Quoique Xi Jinping ait accumulé un pouvoir considérable et remis au goût du jour le discours idéologique communiste, il n’est pas maoïste. Alors que le maoïsme repose avant tout sur la mobilisation populaire, les fameux mouvements (yundong), le mode d’exercice du pouvoir de Xi a, quant à lui, tous les atours d’un conservatisme vaguement paternaliste niant toute implication des masses.
Xi Jinping promeut une conception élargie de la sécurité nationale : celle-ci s’applique non seulement à des sujets classiques tels que le territoire, le numérique, l’économie, mais aussi à la culture ; dans cette acception, elle renvoie à la nécessité de lutter contre les idéologies susceptibles de menacer l’hégémonie du parti et, en premier lieu, le libéralisme ; il s’agit[...]
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Écrit par
- Paul CHARON : docteur en science politique
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