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XIAOSHUO [SIAO-CHOUO], genre littéraire chinois

La littérature d'imagination en langue vulgaire

L'imprimerie, répandue dès le xie siècle, s'est emparée des matériaux élaborés par les conteurs pour répondre aux besoins d'une clientèle populaire, à laquelle ce genre littéraire apportait dans une langue « claire » des histoires attachantes adaptées à son milieu et à sa mentalité. Le roman chinois ne se débarrassera jamais complètement des conventions de la narration orale : déroulement chronologique, enchaînement épisodique, passages versifiés, point de vue impersonnel du conteur s'interposant entre l'auteur, ses personnages et le lecteur. La littérature d'imagination en langue vulgaire pénètre les milieux lettrés, d'abord sans doute par les femmes et les jeunes gens, mais en conservant de nombreux traits dus à ses origines populaires : toute-puissance du destin, inéluctabilité de la rétribution karmique, révolte et résignation. Cependant, elle se fait affirmation de soi dans l'exaltation de l'amour naguère dépeint comme une obscure force destructrice. L'anticonformisme du xviie siècle y voit l'une des expressions les plus valables de l'époque. Dès la fin du xvie siècle, des lettrés se penchent sur le problème suscité par la popularité et l'attrait de cette littérature : ils découvrent la vérité de la fiction et l'utilité du divertissement. Les traditionalistes réagissent, assimilent le faux à l'imaginaire qu'ils rejettent avec tout ce qui relève de la langue vulgaire. Ji Yun (1714-1805), éditeur en chef du grand Catalogue impérial, n'y admet que le xiaoshuo de langue écrite, et à titre de matériaux utiles à l'histoire ou aux belles-lettres. Qian Daxin (1728-1804), érudit célèbre, dénonce dans le roman une « doctrine » qui, depuis les Ming, s'acharne à conduire au mal le plus grand nombre. Gouverneur du Jiangsu, Ding Richang (1823-1882) proscrit de façon quasi générale le roman, ce qui n'est pas sans rappeler la mesure analogue prise par la monarchie française au xviiie siècle. De plus en plus contestataire, le roman devient une arme de choix aux mains des modernistes de la fin du xixe siècle. Liu E (1857-1909), dans ses Récits de voyage d'un vieux rebut traduits dans la collection « Connaissance de l'Orient » sous le titre Odyssée de Lao Can, est ainsi un polémiste qui part en guerre contre l'impéritie des fonctionnaires. Liang Qichao (1873-1929) appelle de ses vœux un nouveau roman pour rénover la Chine, tandis que Lin Shu (1852-1924) adapte au goût lettré le roman occidental dans ses innombrables traductions en langue classique, qui n'avait jusqu'alors jamais été employée dans les œuvres romanesques longues.

— André LEVY

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VII, responsable de la section d'études chinoises à l'université de Bordeaux-III

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  • NOUVELLE

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    • 5 148 mots
    ...aurait pas ouï parler : on connaissait bien le Libro dei sette savi ! Vers le même temps (ixe-xiiie s.), les Chinois produisaient un grand nombre de xiaoshuo(« récits mineurs », ou « histoires brèves » ?) et des huaben (« textes à réciter ») dont les thèmes étaient modernes, et dont la...