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Y AURA-T-IL DE LA NEIGE À NOËL ? (S. Veysset)

Née et élevée à la campagne, Sandrine Veysset connaît bien les travaux des champs et la psychologie des cultivateurs. Son premier film s'inscrit d'abord dans le sillon « documentariste » du cinéma français tracé par Georges Rouquier (Farrebique, Biquefarre). Y aura-t-il de la neige à Noël? (1996) nous transporte d'emblée dans une exploitation maraîchère de la Drôme où vit une étrange famille.

La dynamique du récit repose sur la découverte progressive des liens et des relations noués entre les personnages. Ceux que nous découvrons en premier sont des enfants dont le jeu de cache-cache, dans une grange, au milieu des bottes de paille, est filmé en travellings avant, caméra à l'épaule. Cette caméra subjective n'épouse pas le regard d'un personnage, mais notre propre regard qui pénètre ainsi dans un monde bien particulier : l'univers d'une ferme où, à l'exception du plus petit, sept enfants, dès l'âge de cinq ans, aident activement leurs parents dans leur travail : cueillir les tomates, sarcler le persil, nettoyer les radis au lavoir, planter les choux, préparer les oignons ou les navets pour les ventes sur les marchés. Bon gré mal gré, garçons et filles s'activent de tout cœur, sur l'ordre de leur père, pour aider une mère qu'ils adorent.

Femme sans âge bien précis avec son foulard noué en fichu sur les cheveux, son tablier usé et ses bottes de caoutchouc, mais toujours séduisante, cette mère (remarquablement interprétée par Dominique Raymond, une actrice venue du théâtre) rayonne de tendresse, d'attention et d'amour pour ses enfants, qui le lui rendent bien. « Ils sont à vous tous ces enfants ? », interroge une employée saisonnière. « Ouais ! », prononcent d'une seule voix les enfants avant que leur mère ait eu le temps d'ouvrir la bouche. Mon film, dit Sandrine Veysset, « n'est pas autobiographique, mais il est issu d'expériences vécues, et de mes relations avec ma mère, à qui je l'ai dédié » (Le Monde, 19 déc. 1996). Tendre, pudique, riche de cette sensibilité qui naît de l'expérience vécue, Y aura-t-il de la neige à Noël? a pour thème premier l'amour partagé entre une mère et ses sept enfants.

La place donnée dans le récit aux chargements et déchargements des cagettes de légumes comme au va-et-vient du camion du père entre la ferme et Cavaillon transcrit les rythmes de production et de diffusion des produits de la ferme qui reposent essentiellement sur le travail de la mère et des enfants. Ancré dans la réalité quotidienne d'une exploitation maraîchère, le film ne l'est pas dans le temps. Quand se déroule l'intrigue ? Sandrine Veysset ne le précise pas et ne nous donne aucune indication éclairante à ce sujet. On pressent cependant que l'action se situe à une époque où la contraception n'était pas aussi répandue qu'aujourd'hui, sans doute vers 1975.

Le parti pris, non de naturalisme, mais de réalisme, observé dans la description des travaux des champs et des conditions de vie – ni salle de bain, ni toilettes intérieures, économies d'électricité imposées arbitrairement par le père, leitmotiv du froid enduré pendant l'hiver – se retrouve dans l'évocation des saisons. De l'été (l'ouverture, dans la paille) à l'hiver (la neige, au finale), celles-ci modèlent la structure du récit, déterminent l'écriture du film et correspondent à l'évolution psychologique des personnages.

Y aura-t-il de la neige à Noël? s'ouvre sous le signe de l'été. Présentés en plans d'ensemble, la cour de la ferme et l'espace dilaté des champs – comme endormis au son du crissement des cigales par la chaleur, sous la lumière du soleil – nous apparaissent en images très pâles, surexposées, presque blanches, comme délavées sous l'effet du[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma