YAMOUSSOUKRO
Depuis le 21 mars 1983, Yamoussoukro est officiellement la capitale de la Côte d'Ivoire. Située au centre du pays sur l'axe structurant sud-nord, cette ville singulière apparaît comme un symbole à entrées multiples.
Village natal de l'ancien président (1960-1993) Félix Houphouët-Boigny, Yamoussoukro doit tout à ce dernier qui en fit son fief, évoqué par Ahmadou Kourouma dans En attendant le vote des bêtes sauvages (1998). Si le transfert de la capitale fut voté sur proposition du maire d'Abidjan, en prétextant un nécessaire rééquilibrage littoral-intérieur du pays, Yamoussoukro est avant tout une « ville du prince » où investissements privés et publics se mêlent en permanence autour d'un projet personnel.
Ce projet yamsois, en sommeil depuis le début des années 1980 faute d'investissements et, depuis la mort de son fondateur, de réelle volonté politique, a cependant toujours été instrumentalisé avec soin, vis-à-vis de l'extérieur – la diplomatie est la seule prérogative régalienne que les autorités abidjanaises concèdent parfois à la nouvelle capitale – comme de l'intérieur – Yamoussoukro et son projet somptuaire étant devenu un enjeu politique de première importance. Ainsi en est-il, dans un contexte de crise nationale dramatique, de la relance de nouveaux projets urbanistiques et architecturaux voulue en 2006 par le président Laurent Gbagbo, pourtant naguère opposé au transfert. Reste à savoir ce qu'il attend de Yamoussoukro : a-t-elle vocation à refonder l'unité nationale ou à assurer sa stature présidentielle ?
La ville, vaste et aux larges avenues, n'a qu'une faible densité du bâti, hormis les quartiers centraux Habitat et Dioulakro qui concentrent une grande partie de ses quelque 120 000 habitants (estimation de 2000). Ici et là, mais sans réelle unité, de somptueuses réalisations architecturales dominent l'ensemble : hôtel Président, maison du Parti, fondation Houphouët-Boigny, résidence présidentielle, grandes écoles et, bien sûr, basilique Notre-Dame-de-la-Paix qui, réplique de Saint-Pierre de Rome, fut construite à titre personnel par le président Houphouët-Boigny et offerte à la papauté en 1990 – non sans avoir suscité de nombreuses critiques relatives à son style architectural et aux modalités de son financement (la fortune personnelle d'un président en exercice).
Ville de fonctionnaires mais capitale virtuelle, le transfert des administrations – et des ambassades – n'ayant jamais été effectué, Yamoussoukro n'a pour seule véritable fonction que d'être un carrefour important dans la géographie des transports ivoiriens : privilégiée par les politiques d'aménagement du territoire, elle a en effet bénéficié de la constitution d'une étoile routière qui est pour elle une rente, mais que la partition du pays depuis 2002 handicape fortement. La ville, proche de la ligne de cessez-le-feu, accueille depuis cette date militaires, mercenaires et réfugiés dans un contexte économique catastrophique. Conçue pour briller, Yamoussoukro se révèle en fait peu fonctionnelle.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Fabien STECK : maître de conférences en géographie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
Autres références
-
HOUPHOUËT-BOIGNY FÉLIX (1905-1993)
- Écrit par Bernard NANTET
- 2 093 mots
- 1 média
...Jusqu'à la fin, Houphouët-Boigny conserve cette posture de chef traditionnel. Il est convaincu d'avoir œuvré pour le bien-être des Baoulé avec, notamment, le transfert de la capitale de la Côte d'Ivoire à Yamoussoukro, son village natal. Le rituel de l'élection présidentielle n'est qu'une façon d'entériner...