YANG ZHU[YANG TCHOU](actif vers 350 av. J.-C.)
Penseur individualiste et hédoniste de la Chine antique, Yang Zhu est un des esprits les plus originaux et les plus grands de son époque. Pour Mencius (Mengzi), l'école dont il est le chef de file égale en importance celle de Confucius et de Mo Di (Mozi, ou Micius). Mais l'œuvre de Yang Zhu est perdue, à l'exception de quelques fragments réunis dans le chapitre vii du Liezi. L'historien moderne de la philosophie chinoise, Feng Youlan, conteste l'authenticité de ces fragments au même titre que l'ensemble du Liezi. Or, s'il est vrai que cette compilation taoïste n'a vu le jour qu'aux environs de l'an 300, elle n'en renferme pas moins de nombreux passages anciens, et rien ne prouve que les logia de Yang Zhu qui y figurent ne remontent pas à l'époque classique.
Pour son adversaire Mencius, Yang Zhu, qui occupe une place prééminente dans les polémiques idéologiques et philosophiques de son temps, est l'égoïste amoral qui « ne donnerait pas un cheveu de sa tête pour secourir le monde ». Sa doctrine est aux antipodes de l'enseignement de Mo Di, qui prône un altruisme extrême aboutissant à l'amour universel. Comme le remarque A. C. Graham, dans l'introduction à sa traduction du chapitre consacré à Yang Zhu dans le Liezi, ce penseur est peut-être le seul en Chine qui ait compris l'idée de la liberté de la façon dont on la conçoit en Occident. Yang Zhu se rebelle contre les conventions morales, contre les faux devoirs, qui sont un obstacle au plaisir sensuel. Comme le soulignent un grand nombre d'ouvrages contemporains ou légèrement postérieurs au philosophe, l'idée centrale de sa pensée est « la plénitude de la vie » (quansheng), la préservation par chacun de sa propre personne, tant physique que psychique, comme bien suprême. Il vaut mieux être mort et connaître le repos des sensations que de vivre une vie pleine de brimades et de frustrations. Prenant comme exemple les héros mythiques de l'Antiquité, Yang Zhu déclare que Yu le Grand est l'homme le plus surmené du monde et Shun le plus misérable. Les célèbres tyrans Jie et Zhu, de la fin de la dynastie des Yin (env. ~ xie s.), au contraire, laissent libre cours à leurs passions et à leurs instincts, ils sont donc des hommes libres et heureux. La recherche des honneurs est vaine. Il suffit d'avoir le nécessaire, d'essayer de vivre au mieux. Les misères et les malheurs de la vie humaine sont déjà assez nombreux pour que nous ne les augmentions pas par nos ambitions. Pour accroître notre bonheur, « cultivons la vie » (yangsheng). Ce terme a eu, par la suite, une fortune considérable dans le taoïsme religieux, où il prit le sens de « nourrir l'esprit vital » (H. Maspero).
C'est pour cette raison, entre autres, que l'on a voulu considérer Yang Zhu comme l'un des premiers penseurs taoïstes dont le système serait antérieur à celui du Laozi et du Zhuangzi. Feng Youlan pense que Yang Zhu n'est pas l'hédoniste du chapitre vii du Liezi, mais le chef de file de ceux qui, dans l'Antiquité, refusent de servir l'État et se retirent à la campagne ou dans les montagnes pour y vivre en paix. Des livres anciens, comme le Lunyu, montrent souvent de ces individualistes, des « fous », qui dénoncent les tendances ritualistes et humanistes de Confucius.
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Écrit par
- Kristofer SCHIPPER : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
Classification
Autres références
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LIEZI [LIE-TSEU]
- Écrit par Kristofer SCHIPPER
- 243 mots
Sage taoïste de l'Antiquité. La biographie de Liezi n'est faite que de quelques anecdotes légendaires, dont celle qui rapporte qu'il voyageait en chevauchant le vent. Il intervient dans le Zhuangzi comme un reclus et un sage, mais dont la réussite est inégale. En réalité, il est avant...