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YAYOI KUSAMA (exposition)

Le Consortium, le centre d'art de Dijon, a eu l'idée d'inviter l'artiste Yayoi Kusama à concevoir les installations monumentales que l'on a pu découvrir à la Maison de la culture du Japon à Paris du 13 février au 19 mai 2001. Précurseur du pop art et de l'art environnemental, star oubliée de l'avant-garde new-yorkaise des années 1960, Yayoi Kusama fut choisie en 1993 pour représenter le Japon à la biennale de Venise, puis elle bénéficia d'importantes rétrospectives de son œuvre, au Museum of Modern Art de New York en 1998 et à la Serpentine Gallery de Londres en 2000.

C'était la première fois qu'elle exposait à Paris ; le public a découvert son travail à travers un parcours spectaculaire réunissant dix installations récentes. Au-delà de son passé d'artiste rescapée du psychédélisme pop, des happenings politiques et de vingt-cinq ans de soins psychiatriques, c'est la qualité « obsessionnelle » de sa démarche fondée sur la multiplication de signes – tels les filets répétés à l'infini et surtout les pois, devenus une véritable marque de fabrique – qui s'est imposée. Depuis ce jour où, enfant, elle a vu les fleurs rouges de la nappe familiale envahir progressivement la table, le sol puis ses bras, les taches colorées prolifèrent derrière ses paupières dès qu'elle ferme les yeux. Un médecin, le docteur Shino Nishimura, pris d'intérêt pour son travail, lui révélera la nature de son mal mais il sut reconnaître son indéniable talent artistique. Depuis 1977, Yayoi Kusama vit à sa demande dans un hôpital psychiatrique de Tōkyō.

Le parcours que proposait l'exposition à la Maison de la culture du Japon était la parfaite illustration des obsessions de l'artiste. Évocation de sa participation sauvage à la biennale de Venise de 1966 où elle avait déversé sans aucune autorisation 1 500 boules argentées dans les canaux (chaque boule avait été financée par l'artiste italien Lucio Fontana), Narcissus Garden (1966-2000), reconstitué pour l'occasion, ouvrait le parcours en donnant l'illusion d'un miroir flottant dans lequel se reflétait à l'infini l'image déformée du visiteur mêlée à celles de la Seine et du ciel. Huit toiles récentes juxtaposées à motifs moléculaires présentaient un maillage doré retenant des myriades de points rouges (Infinity Nets). Ces peintures au format des grands abstraits américains rappelaient opportunément que, peu après son arrivée à New York, en 1958, son travail lui avait valu une place importante sur la scène de l'avant-garde, lui permettant de se lier avec des artistes comme Joseph Cornell ou Donald Judd, dont elle a été l'intime, mais aussi à Mark Rothko, Barnett Newman ou Andy Warhol.

L'immersion déstabilisante à laquelle était soumis le visiteur s'imposait dès Invisible Life (2000), accrochage sur les murs et les plafonds de deux étroits couloirs labyrinthiques d'une centaine de miroirs convexes de cinquante centimètres de diamètre. Il voyait son image continuellement réfractée se perdre tout au long des deux corridors débouchant enfin sur une salle d'apparence moins insolite. I'm Here but Nothing (2000) n'était autre qu'un vaste living-room rectangulaire meublé, comprenant un espace salon, une salle à manger et un bureau dont chaque élément – y compris les murs – révélait, quand l'obscurité était faite et la lumière noire en action toutes les quinze secondes, un envahissement de pois de couleur sur la totalité de l'environnement. On comprenait alors combien cette forme, la première de son langage plastique, caractérisait pour l'artiste à la fois l'état de dépendance à des hallucinations et le remède pour le combattre. Par une porte du living-room, on accédait à l'une des œuvres les plus étonnantes du parcours, un espace infini dans un espace fini :[...]

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