YEHOSHUA (A. B.)
Avraham « Bouli » Gavri’el Yehoshua, dit A. B. Yehoshua, est né le 9 décembre 1936 à Jérusalem dans une famille établie en Palestine depuis plusieurs générations. Son œuvre, très variée, comprend plusieurs recueils de nouvelles, de nombreux romans, des pièces de théâtre et des essais littéraires et politiques.
Après avoir étudié la littérature hébraïque et la philosophie à l’université hébraïque de Jérusalem, A. B. Yehoshua a enseigné la littérature hébraïque et comparée à l’université de Haïfa. Il a également été professeur invité dans les universités de Harvard, Chicago et Princeton. Depuis 1967 et la guerre de Six Jours, il s’est montré un ardent défenseur de la paix et a publié de nombreux articles dans lesquels il tente d’analyser les racines du conflit israélo-palestinien. Il a été par la suite membre de B’Tselem, une organisation de défense des droits humains opposée à l’occupation des territoires palestiniens par Israël.
Sa première nouvelle, La Mort du vieil homme (1957), marque un jalon important de la littérature israélienne : multipliant les symboles et les énigmes, elle amorce le tournant littéraire pris par A. B. Yehoshua et les écrivains de sa génération, qui s’affranchissent du courant idéologique caractérisant les œuvres de leurs aînés. En effet, la « génération de l’État » qui commence à écrire dans les années 1950 adopte de nouveaux modèles littéraires, tel Kafka ou Camus. Dans les nouvelles suivantes domine le sentiment de l’étrangeté, de l’absurde et de la caricature poussée à l’extrême. Ces premières œuvres, qui ont donné lieu à de multiples adaptations théâtrales et cinématographiques, se situent en dehors de tout environnement spatio-temporel et semblent se dérouler dans un espace existentiel dépourvu de racines. Cependant, A. B. Yehoshua va installer peu à peu ses œuvres dans la réalité israélienne tout en leur conservant un caractère universel. La longue nouvelle Au début de l’été 70 (1972), dont le titre indique qu’elle se situe cette fois dans un espace défini et limité dans le temps ‒ l’écrivain y dépeint un conflit père-fils sur fond de guerre d’usure (1967-1973) ‒ exprime le premier engagement de l’auteur face à la complexité de la réalité israélienne.
Une recherche d’identité
Le passage de la nouvelle au roman s’est accompli de manière progressive. Ses quatre premiers romans sont rédigés sous forme d’épisodes développant chacun une sorte de longue nouvelle et dans le même temps s’intégrant à un ensemble épique et à une continuité chronologique. Ainsi, à l’instar du Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell, la narration de ses deux premiers romans, L’Amant (1977) et Un divorce tardif (1982), est faite par plusieurs protagonistes et présente des points de vue divergents. Dans L’Année des cinq saisons (1987), le héros connaît une expérience amoureuse avec une femme différente durant cinq saisons dans un espace géographique et humain à chaque fois nouveau. Dans Monsieur Mani (1990), roman-conversation, les interlocuteurs diffèrent, y compris les personnages de la famille Mani qui constituent le centre de chaque conversation. En outre, le récit adopte une structure chronologique inversée, partant du présent pour remonter le temps vers le passé.
À cause de la technique expérimentale et des thèmes qui sous-tendent les premiers romans – le sacrifice d’Isaac, l’inceste, l’inconscient tout puissant, les problèmes de l’identité individuelle et collective ‒, des chercheurs venus d’horizons très divers se sont intéressés à l’œuvre d’A. B. Yehoshua. Ce n’est que dans son cinquième roman, Shiva (1994), qu’il développe une intrigue unique d’un bout à l’autre de l’œuvre. Dans cet ouvrage qui le consacre comme romancier, il dépeint la passion amoureuse d’un jeune médecin pour une femme[...]
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Écrit par
- Michèle TAUBER : professeure des Universités en littérature hébraïque moderne et contemporaine
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