YEHOSHUA (A. B.)
Ashkénazes et Sépharades
Avec Voyage vers l’an mil (1997), qui relate une rencontre entre des Juifs d’Afrique du Nord et des Juifs ashkénazes à l’approche de l’an mil, l’écrivain traite de nouveau de problèmes brûlants tels que le nationalisme, la religion et le communautarisme. Ce roman a donné lieu à la publication du volume Essais sur la fin du millénaire (1999). Il a également inspiré à Yosef Bardnaashvili un opéra, créé en 2005, dont A. B. Yehoshua a écrit le livret.
Dans les romans suivants, l’écrivain reste fidèle à l’expérimentation formelle au service d’une intrigue individuelle et nationale douloureuse. Dans La Mariée libérée (2001), Le Directeur des ressources humaines (2004), Un feu amical (2007), les protagonistes arpentent continents et pays, Israël compris. De même que, dans Monsieur Mani, la plupart des personnages arrivent de Pologne en terre d’Israël et retournent en Pologne comme ils sont venus, les immenses espaces de l’ex-URSS deviennent la toile de fond du voyage des héros du Directeur des ressources humaines, tandis que le continent africain tient lieu de décor pour un duo entre mari et femme dans Un feu amical. Mais au-delà des espaces géographiques que toute l’œuvre recouvre, la centralité de Jérusalem transparaît presque dans tous les romans. Si A. B. Yehoshua est un incontestable novateur, il est également un écrivain qui ne se départit jamais des fondements caractéristiques de son écriture. Il est passé du surréalisme au réalisme, de la nouvelle brève et longue au roman, de l’individu qui agit seul dans un espace aliéné au groupe de personnes liées à une famille et à un pays, d’un style élevé à une langue plus souple. En tant qu’écrivain attentif aux changements qui touchent la société israélienne, il a aussi introduit dans son œuvre le thème des Juifs orientaux. D’autres phénomènes sociaux et nationaux marginaux apparaissent, tels que l’engouement de la jeunesse pour les voyages en Extrême-Orient, l’Intifada, le rapport ambivalent aux Arabes, à l’occupation de la Judée-Samarie, aux travailleurs étrangers, entre autres. Tous ces thèmes côtoient néanmoins les composantes chères à A. B. Yehoshua : le grotesque, les fondements dramatiques, la tendance aux situations symboliques et allégoriques, l’humour, le voyage, etc. Rétrospective (2012, prix Médicis étranger) et La Figurante (2016) s’inscrivent à leur tour dans cette veine. A. B. Yehoshua a aussi publié quelques essais dans lesquels il aborde les multiples définitions de la judéité en Israël et à l’étranger.
Le sens du dialogue, le traitement à la fois cauchemardesque et humoristique des situations, la capacité psychologique de percevoir les secrets du cœur humain et de révéler les sentiments refoulés, et surtout son talent pour broder une intrigue haletante, autant de points qui caractérisent l’écriture théâtrale d’A. B. Yehoshua. Ses pièces figurent dans le répertoire du théâtre hébraïque : Une nuit en mai (1969), qui met en scène l’attente qui précède, en mai 1967, la guerre des Six Jours ; Les Choses (1986), dont le sujet est le deuil, l’identification et la séparation du père qui vient de mourir ; Les Bébés de la nuit (1992), qui traite des couples stériles en attente d’adoption de bébés nés au Brésil. Autant de thèmes qui relèvent aussi bien de la société israélienne que de l’universel.
A. B. Yehoshua meurt le 14 juin 2022 à Tel Aviv.
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Écrit par
- Michèle TAUBER : professeure des Universités en littérature hébraïque moderne et contemporaine
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