YÉMEN. AU PAYS DE LA REINE DE SABA (exposition)
L'expositionYémen. Au pays de la reine de Saba, présentée du 24 octobre 1997 au 28 février 1998 à l'Institut du monde arabe à Paris, a constitué la plus importante manifestation jamais consacrée à l'art et à l'archéologie du Yémen antique. Elle donna en effet l'occasion de découvrir, de la préhistoire à l'avènement de l'islam, une civilisation dont la connaissance a beaucoup évolué depuis les années 1980, grâce à l'unification politique du pays et à son ouverture aux recherches archéologiques. Les racines culturelles du pays de la reine de Saba, longtemps tenu pour une contrée mythique aux confins des mondes africains et orientaux, ont été révélées dans toute leur complexité à travers une magnifique collection d'objets provenant soit de musées occidentaux soit du Yémen. Restaurés pour cette occasion, la plupart d'entre eux n'avaient jamais été vus par le grand public, même à l'occasion de voyages à Sanaa ou à Aden. L'ensemble était complété par quelques objets provenant de collections particulières ou même des réserves du département des Antiquités du Yémen.
Les premières salles, consacrées à une préhistoire peu connue, constituaient assurément une des nouveautés de l'exposition. L'existence d'un Paléolithique très ancien, proposée par les chercheurs de l'ancienne mission archéologique soviétique dans le Hadramaout, reste contestée, et les organisateurs n'ont présenté pour cette raison aucune pièce de la grotte d'al-Guzah, ce que l'on peut regretter. Les plus anciens objets exposés étaient des bifaces de quartzite provenant du Hadramaout et attribués au Paléolithique ancien. Ils venaient à point nommé suggérer que, sur l'autre rive du Rift, la préhistoire ancienne de l'Arabie est liée aux débuts de l'aventure humaine hors du « berceau africain ».
Le Néolithique était représenté par une belle série de pièces de silex taillé provenant des fouilles françaises et italiennes. Les pointes de flèche ont certainement rappelé au visiteur des objets de même date trouvés au Sahara, et comme ceux-ci attribués par les spécialistes à des groupes de chasseurs-cueilleurs ayant vécu dans les sables du Ramlat as-Sabʻatayn à une époque où le climat était légèrement plus clément. Quelques mortiers et molettes ainsi que des haches polies indiquaient cependant que ces sociétés possédaient une technologie développée. Le choix des objets privilégiait les basses terres du Yémen central, ce qui est parfaitement compréhensible mais passait sous silence deux régions importantes au Néolithique, les hautes terres du nord du Yémen et la côte de la mer Rouge (Tihama). L'art rupestre peint et gravé, dont les recherches récentes ont montré la richesse et la variété, n'était représenté que par quelques photographies. Le curieux pourra heureusement consulter le beau livre que lui ont consacré Michel-Alain Garcia et Madiha Rachad.
La partie la plus nouvelle de l'exposition permettait de découvrir l'Âge du bronze, au fondement de la civilisation sud-arabique. Les innombrables nécropoles et les monuments mégalithiques ne pouvaient guère être représentés que par quelques photographies dans le cadre d'une telle exposition, mais des objets comme la céramique décorée des sites du Khawlān à l'est de Sanaa, les statuettes anthropomorphes en pierre du Khawlān et du Hadramaout ou les dagues en bronze de la nécropole de Bayt al-Mujali révélaient la richesse de ces cultures. On mentionnera tout particulièrement une série de stèles funéraires représentant des bustes d'hommes, datées de la fin du IIIe ou du début du IIe millénaire. Leur style rustique, leurs motifs de dagues à pommeau « en demi-lune » n'étaient pas sans rappeler des monuments de la même époque environ, trouvés[...]
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Écrit par
- Serge CLEUZIOU : directeur de recherche au CNRS
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