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YEN

Le taux de change fixe

Après sa capitulation, le Japon perd ses conquêtes territoriales, et sa capacité de production est réduite d'un tiers par rapport à l'avant-guerre. La population est au bord de la famine, le marché noir et l'inflation renforcent la pénurie, la balance des opérations courantes connaît un profond déficit. La dette publique dépasse 200 p. 100 du PIB en 1945. Les encaisses monétaires accumulées sans possibilité de dépenses au cours des décennies précédentes excèdent largement le volume de biens disponibles. Les prix sont plafonnés de sorte que l'accumulation de richesse nominale crée un très fort excès de demande non satisfaite. Les prix du marché noir atteignent des sommets par rapport aux prix administrés.

Le budget de l'État alimente des subventions aux producteurs qui couvrent l'écart entre les coûts de production et les prix bloqués à la consommation. Ces subventions, bien qu'elles permettent un redémarrage de la production, sont source d'inflation parce que la dépense publique est financée par la création monétaire. Ce système de subventions est équivalent à un système complexe de changes multiples. Les subventions sont dissimulées dans l'importation. En utilisant un compte spécial, le gouvernement vend les importations à des prix intérieurs officiels beaucoup plus bas que les prix d'achat internationaux, alors qu’il achète les exportations à des prix officiels bien plus élevés que les prix internationaux. Le gros déficit commercial exprimé en yens du compte spécial est financé par l'emprunt auprès de la Banque du Japon, c'est-à-dire par une augmentation de l'offre de monnaie. Quant au déficit extérieur de la balance des paiements, il est financé par les transferts provenant du Government Account for Relief in Occupied Areas, un compte spécial du gouvernement pour l'assistance aux zones d'occupation, par où transite une partie de l'aide des États-Unis.

Le gouvernement militaire américain d'occupation choisit la voie d'une réforme monétaire avec échange des billets pour circonscrire l'inflation et éliminer le marché noir en promulguant l'ordonnance sur les mesures monétaires d'urgence et l'ordonnance de la Banque du Japon sur le dépôt des billets, le 17 février 1946. Ces dispositions gèlent tous les dépôts dans les institutions financières et imposent l'échange de tous les billets en circulation contre des billets libellés en nouveaux yens. Les salaires ne sont payés en billets qu'à hauteur de 500 yens et le reste est bloqué en compte de dépôt. Compte tenu de l'inflation galopante qui sévit dans cette période, le gel des dépôts n'est rien moins qu'une spoliation.

À la fin de 1948, Joseph Dodge, président d'une banque de Detroit, devenu conseiller économique du Japon, compare la situation économique du Japon à celle d'une personne juchée sur des échasses, l'une étant l'aide américaine et l'autre les subventions occultes, comme celles de la Reconstruction Finance Bank. Dodge suggère de se débarrasser de ces échasses « dangereusement hautes ». Il écarte la politique de contrôle des prix, recommande l'adoption d'un taux de change unique, rappelle les sains principes de l'équilibre budgétaire et prône les vertus de l'économie de marché.

En 1949, le gouvernement japonais calque sa politique financière sur la ligne Dodge, qui énumère les moyens de parvenir à un équilibre budgétaire véritable. Le 23 avril 1949, une parité fixe yen/dollar, plutôt avantageuse pour le Japon, est établie à 360 yens pour un dollar, un niveau qui restera inchangé pendant vingt ans. Pour réduire le poids de l'aide américaine, Dodge préconise le renforcement de la collecte des impôts et la réduction des dépenses publiques. Le volume des billets[...]

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Écrit par

  • : docteure en sciences économiques, professeure des Universités en sciences économiques
  • : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113

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