YEN
Une sortie de crise fragile
La crise asiatique de 1997 a marqué un tournant et plusieurs initiatives régionales ont vu le jour, souvent à l’initiative du Japon, afin de réduire la vulnérabilité de la zone aux chocs externes, et parmi elles l’initiative de Chiang Mai en 2000, qui établit un fonds régional de réserves de change permettant de lutter contre la spéculation sur le change ou encore le lancement d’une série d’accords de libre-échange entre pays asiatiques.
De 2002 à 2007, le Japon a renoué avec la croissance et connu la période d'expansion la plus longue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Cette expansion est essentiellement due à la bonne santé du commerce extérieur, favorisée par la dépréciation du yen et par l’intégration grandissante du marché asiatique.
Depuis le début des années 2000, le Japon a fortement accru son intégration avec l’Asie, région en forte croissance (8 p. 100 par an en moyenne). La part de l’Asie dans les exportations japonaises est passée de 41 p. 100 en 2000 à 55 p. 100 en 2012, sa part dans le stock d’IDE (investissements directs à l’étranger) japonais passant quant à elle de 18 p. 100 à 27 p. 100.
De 2000 à 2007, la dépréciation effective réelle du yen aura atteint près de 40 p. 100, ce qui a favorisé la relance des exportations et contribué à soutenir l'activité. La politique de change consiste clairement à résister à l’appréciation du yen. Cela se traduit par le maintien de taux d’intérêt plus faibles qu’en Europe ou aux États-Unis et par des interventions massives sur le marché des changes. Un record d’interventions dans le sens de la dépréciation du yen intervient entre janvier 2003 et avril 2004 (128 interventions, soit plus d’un jour sur quatre). Ces interventions vont totalement s’interrompre ensuite pendant six ans, jusqu’en septembre 2010.
Alors qu’en mars 2002, le ratio « réel » de capital des banques atteint seulement 1,36 p. 100, malgré les injections de fonds publics, le plan Takenaka, lancé en octobre 2002, renforce la gouvernance et la supervision des banques, accélère le nettoyage des bilans et conduit à la nationalisation de la banque Resona, une des plus grandes banques japonaises. Ce durcissement de la politique de régulation bancaire permet de sortir de la crise bancaire à partir de 2005.
La politique monétaire traditionnelle ayant perdu toute marge de manœuvre dans un contexte de taux d’intérêt proches du plancher zéro, une politique inédite d'augmentation des liquidités à la disposition des banques est mise en place en mars 2001, dans l'espoir de voir ces dernières offrir des crédits à l'économie et de sortir de la trappe monétaire où les encaisses sont systématiquement englouties (Baba et al., 2005). Cette politique monétaire « non conventionnelle » consiste à favoriser la croissance rapide de la base monétaire (quantitative easingpolicy), mais également à élargir le champ des actifs éligibles au refinancement (qualitative easingpolicy). Elle est amplifiée en mars 2003, en soutien du plan Takenaka. La déflation semble s'achever avec la réapparition d'une timide hausse des prix au printemps de 2006, après huit années consécutives de baisse. La Banque du Japon abandonne la politique d'aisance de la liquidité (politique de taux zéro).
La crise des subprimes aux États-Unis en 2007 va mettre fin à la période d’expansion japonaise. Bien que les banques japonaises aient été, a priori, peu exposées aux emprunts toxiques, ce qui a permis à l’économie d’échapper à la crise financière, le Japon a souffert des répercussions de la crise mondiale. L’économie est entrée en récession fin 2008 en raison de l’effondrement des exportations, en lien avec la chute de la demande mondiale, dans un contexte de remontée brutale du yen. Jouant le rôle de valeur refuge, le yen s’est apprécié de 30 p. 100 en[...]
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Écrit par
- Sophie BRANA : docteure en sciences économiques, professeure des Universités en sciences économiques
- Dominique LACOUE-LABARTHE : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113
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