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LEIBOWITZ YESHAYAHOU (1903-1994)

Né à Riga en Lettonie, Yeshayahou Leibowitz fut professeur de biochimie et de neurophysiologie à l'université hébraïque de Jérusalem. Considéré comme l'un des plus grands spécialistes de Maimonide, intellectuel engagé par excellence, rigoureux dans l'observance des commandements religieux juifs, gauchiste extrême sur le plan politique, il n'hésita pas à encourager le refus d'obéissance des militaires.

Il émigra en Palestine en 1934, après avoir terminé ses études (dont la médecine, qu'il n'exerça jamais). Rapidement, après ses débuts à l'université hébraïque, il devint célèbre pour ses qualités exceptionnelles d'enseignant. Jusqu'à sa mort, à Jérusalem, il fut connu comme polémiste redoutable, en raison notamment de ses connaissances encyclopédiques. Il fut, pendant de nombreuses années, le directeur scientifique puis général de l'Encyclopédie hébraïque, dont il détermina le niveau très élevé (l'article sur le cerveau, qui lui est dû, reste inégalé).

Pendant la guerre d'indépendance (1948), il servit comme officier sur le front de Jérusalem. Il consacra beaucoup d'efforts à régler les problèmes particuliers des soldats religieux. Il ne cessa d'exiger des rabbins des décisions nouvelles, sans précédent dans l'application de la Loi religieuse, pour permettre la mise en œuvre de celle-ci dans le nouvel État juif indépendant. Une telle position traduisait sa théorie selon laquelle le service de Dieu est déterminé par les hommes.

Philosophe de la biologie, Leibowitz place Claude Bernard au centre de sa réflexion ; il avait compris très tôt qu'il n'était pas possible de réduire le développement de la vie à des mécanismes chimiques, bien qu'il ne fût pas possible de décrire la vie autrement que par des concepts empruntés à ceux-ci.

Il se considérait comme un ardent sioniste, définissant le sionisme comme le refus des juifs de vouloir continuer à être soumis à un pouvoir étranger. Il était opposé de manière extrême, politiquement et religieusement, à la vision messianiste des groupes religieux qui sanctifient les Lieux saints, la terre et le peuple. Il voyait dans cette sanctification l'essence même du fascisme. Pour lui, l'État ne saurait être qu'un moyen pour l'homme de satisfaire ses besoins ; c'est la raison pour laquelle il exigeait aussi la séparation de la religion et de l'État.

Peu après l'euphorie qui s'empare du pays à la suite de la victoire de 1967, il met en garde de manière solennelle, à la manière d'un prophète biblique, contre l'éventualité d'un désastre inhérent à la domination violente d'un peuple sur un autre. Ses motifs principaux ne relevaient pas de l'humanisme, mais plutôt de la crainte de voir Israël se corrompre et se transformer en État policier.

De 1967 à sa mort, il apparaît comme un mouvement politique réduit à un seul homme, excentrique, courageux et intègre. Il était très sollicité dans tout le pays comme conférencier, que ce fût au kibboutz, à l'armée, à la télévision. Figure socratique, il était prêt à parler, à répondre à toute personne qui s'adressait à lui.

Il est difficile d'évaluer son influence comme penseur religieux, mais en tant qu'opposant catégorique à l'occupation militaire on ne saurait surestimer son rôle. À certains moments, des accents leibowitziens évidents sont apparus clairement dans les discours d'Itzhak Rabin et de Shimon Peres au cours du processus de paix entamé à Oslo.

— Yoram NAVON

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Écrit par

  • : professeur au lycée des sciences et des arts de Jérusalem

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