YI JING [YI KING]ou LIVRE DES MUTATIONS
Le Livre des mutations (Yi jing) est un corpus de divination de la Chine antique. La base de son système divinatoire repose sur les célèbres huit trigrammes (bagua), chacun étant composé d'une combinaison de trois lignes superposées soit pleines, soit brisées. La combinaison de deux trigrammes donne des hexagrammes dont les possibilités combinatoires donnent soixante-quatre variantes. Bien qu'elle soit traditionnellement attribuée au souverain démiurge Fuxi ou encore au fondateur de la dynastie des Zhou, Wen Wang, l'invention des huit trigrammes ne remonte probablement pas si loin ; elle est liée au procédé divinatoire qui utilise les quarante-neuf tiges de l'achillée, procédé qui n'apparaît que sous la dynastie des Zhou, et qui remplace alors graduellement la méthode antique qui recourt à la carapace de tortue. Les trigrammes sont regardés comme étant des symboles cosmologiques (Terre, Ciel, Eau, Feu, etc.) et les éléments de base de l'Univers. Ce système paraît avoir coexisté, sous les Zhou, avec celui des Cinq Éléments. Ce n'est que bien plus tard, à l'époque des Han, que des penseurs ont cherché à combiner les deux systèmes.
Le sens des hexagrammes est dérivé des valeurs symboliques des trigrammes qui les composent. Toutefois, et c'est là la grande originalité du système, ces valeurs ne sont pas considérées comme fixes et autonomes, mais comme interdépendantes et résultant l'une de l'autre. « Fermer une porte est kun (trigramme : Terre), ouvrir une porte est qian (trigramme : Ciel). Une fois fermer et une fois ouvrir, c'est ce qu'on appelle un changement (mutation). La mutation constante d'un de ces états dans l'autre peut être appelée la voie constante [des choses] ». Toutes les choses dans l'Univers changent perpétuellement dans un cycle sans fin. Rien ne s'en va qui ne revienne. Tout ce qui atteint son apogée connaît un déclin. Mais, après chaque fin, il y a un nouveau début. Les lois universelles exemplifiées dans les trigrammes et les hexagrammes doivent servir de modèles pour les activités humaines. Le Yi jing est le reflet, en miniature, de tout l'Univers. Les hexagrammes sont des emblèmes (xiang) dont le sage déduit les lois qui gouvernent leur interaction. Dans le processus divinatoire, certaines lignes des hexagrammes se changent en leur contraire (une ligne brisée devient une ligne pleine et vice versa), formant ainsi de nouveaux emblèmes. La transition d'un hexagramme à un autre représente l'évolution d'une situation. C'est là ce qu'on entend par « mutation » (yi). Les mutations sont liées au temps (shi) mais évoluent néanmoins d'après une idée fondamentale, qu'on appelle le « centre » (zhong) ou le « juste milieu » d'une situation. Cette structure sous-jacente et immuable est semblable au Dao du Laozi.
Le Yi jing proprement dit, c'est-à-dire les soixante-quatre hexagrammes avec les poèmes souvent assez sibyllins qui en expliquent le sens, a été augmenté, au début de l'époque Han, de dix appendices, les Dix Ailes (Shiyi) — qui commentent et expliquent la valeur cosmologique des symboles. Certains (surtout le « Grand Appendice », le Xicen constituent les premiers traités de métaphysique confucianiste. Ils proposent une numérologie emblématique illustrant les interactions des éléments. Les huit trigrammes, ayant chacun leur chiffre, sont disposés en octogone et forment une rose des vents à huit directions. Ils constituent ainsi un carré magique dont le centre correspond au chiffre 5, « charte de l'Univers ».
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Écrit par
- Kristofer SCHIPPER : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
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