MA YO-YO (1955- )
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Peu de violoncellistes ont réussi à s'évader de la prison dorée que constituent les quelques œuvres consacrées qui leur offrent un rôle de soliste. Quelques rares aventuriers – un Mstislav Rostropovitch, un Siegfried Palm – sont parvenus à élargir considérablement leur champ d'action avec un grand nombre de créations contemporaines. Tout en se montrant assez réservé devant certaines audaces de l'avant-garde, l'Américain Yo-Yo Ma ne se désintéresse pas pour autant de la musique de son temps. Mais il est sans doute le premier d'entre eux à vagabonder avec autant de liberté sur des terres peu fréquentées par les violoncellistes « classiques » : jazz, musiques de film, tango, bossa-nova, musiques traditionnelles. Sans pour autant se détourner des grandes œuvres du répertoire, où il s'impose à l'égal des plus grands.
Yo-Yo Ma naît à Paris le 7 octobre 1955, dans une famille d'origine chinoise fixée en France depuis plusieurs années. Dès l'âge de quatre ans, il commence l'étude du violoncelle avec son père. Ses progrès sont tels qu'il peut, à six ans, donner un premier concert dans la capitale française. L'année suivante, sa famille s'établit aux États-Unis et adopte la nationalité américaine. En 1962, Yo-Yo Ma entre à la prestigieuse Juilliard School of Music de New York, où il est formé par Janos Scholz et Leonard Rose. En 1963, il se produit à la télévision sous la direction de Leonard Bernstein : on ne peut rêver plus efficace lancement de carrière. Pendant deux saisons, il participe, au Carnegie Hall de New York et au Kennedy Center de Washington, à des séries de concerts intitulées « Isaac Stern et ses amis ». Les tournées se succèdent dans la plupart des pays européens. Lauréat de l'Avery Fisher Prize en 1978, il se produit fréquemment avec le pianiste Emmanuel Ax. À la fin des années 1980, Isaac Stern se joint parfois à eux pour donner un prolongement à l'illustre trio avec piano Stern-Istomin-Rose.
En 1988, Yo-Yo Ma est sur scène avec Stéphane Grappelli pour fêter le 80e anniversaire du grand violoniste français. En 1991, pour le centenaire du Carnegie Hall de New York, il y joue l'intégrale des Six Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach. Il enregistrera celles-ci à deux reprises, assortissant chaque suite, dans sa seconde version, d'un film moyen métrage – à chaque fois confié à un réalisateur différent – particulièrement adapté à chaque pièce. D'un éclectisme rare, Yo-Yo Ma reprend, sous la direction d'Ennio Morricone, ses musiques de film les plus célèbres, travaille avec le compositeur John Williams à l'écriture de la bande originale de deux films – Sept ans au Tibet de Jean-Jacques Annaud (1997) et Mémoires d'une geisha, de Rob Marshall (2005) –, enregistre des tangos d'Astor Piazzolla, joue avec les musiciens traditionnels du Kalahari africain, s'intéresse aux œuvres électroniques... Le temps d'une sonate pour violoncelle et piano de Brahms (la troisième), il est, le 22 avril 2002, le partenaire de Condoleezza Rice, alors conseillère pour la sécurité nationale du président des États-Unis George Bush. Parmi ses partenaires habituels il faut citer Pinchas Zukerman, Jaime Laredo, Claudio Abbado, Lorin Maazel, Kim Kashkashian, Ton Koopman, Barbara Bonney, André Previn, Gidon Kremer, Seiji Ozawa, le Quatuor de Cleveland...
Yo-Yo Ma parraine les premières années du West-Eastern Diwan Orchestra – un orchestre qui réunit, sous l'égide de Daniel Barenboim, des instrumentistes américains, européens, israéliens et palestiniens – et donne des master classes à Interlochen (Michigan) et au Berkshire Music Center de Tanglewood (Nouvelle-Angleterre). Yo-Yo Ma a par ailleurs rejoint la longue liste des musiciens ambassadeurs de la paix de l'O.N.U.
Plutôt attiré par les partitions qui ne renient pas trop ouvertement les principes de la tonalité, Yo-Yo Ma a cependant participé à la création de nombreuses œuvres contemporaines : Suite pour violoncelle et piano jazz de Claude Bolling (1984), Concerto pour violoncelle et orchestre de HK Gruber (1989), Kaddish, pour violoncelle et orchestre, de David Diamond (1990), Concerto pour violoncelle et orchestre de Stephen Albert (1992), Musique pour violoncelle et orchestre de Leon Kirchner (1992), Between Tides, pour violon, violoncelle et piano, de Tōru Takemitsu (1993), Concerto pour violoncelle et orchestre de Richard Danielpour (1994), Concerto pour violoncelle et orchestre de Christopher Rouse (1994), Sonate pour violoncelle et piano d'André Previn (1995), Symphony 1997 : Heaven Earth Mankind, pour violoncelle et orchestre, de Tan Dun (1997) – composée pour la cérémonie de rétrocession de Hong Kong à la Chine –, Concerto pour violoncelle et orchestre d'Elliott Carter (2001), The Song and Dance of Tears, pour violon, violoncelle, pipa, sheng et orchestre, de Bright Sheng (2003), Concerto pour violoncelle et orchestre de Graham Fitkin (2011), AntidotumTarantulae XXI, concerto pour deux violoncelles, de Giovanni Sollima (2014) ; Yo-Yo Ma a également créé des pages signées William Bolcom, John Corigliano, Philip Glass, Osvaldo Golijov, John Harbison, Ezra Laderman, Peter Lieberman, Tod Machover...
Après avoir joué sur un Goffriller de 1722 qui avait appartenu à Pierre Fournier, puis un Montagnana, il s'exprime sur le Stradivarius « Le Davidov » (1712), qui était l'instrument de Jacqueline Du Pré. Yo-Yo Ma a su conquérir les publics les plus divers par la sobriété et la sensibilité de son jeu ainsi que la variété de ses goûts.
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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