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YOGA

Les doctrines

Les pratiques, apparemment pittoresques, du yoga ne se comprennent que si l'on considère l'ensemble de la doctrine qui les fonde : en ce domaine plus qu'en aucun autre peut-être, la praxis est étroitement liée à la theoria.

L'âme et le corps

On a vu plus haut comment l'âme ( ātman) se situe par rapport au corps : elle lui est étrangère autant que le passager d'un véhicule peut l'être de la carrosserie et du moteur de l'engin qui l'emporte, mais elle en reste dépendante, d'humiliante façon, comme l'est ce passager vis-à-vis des performances du véhicule en question. Pourtant, le rapport est hiérarchique : l'âme est sujet, le corps objet ; elle est impérissable (éternelle, non pas immortelle), quand il est précaire, fragile, voué à la destruction ; elle est une, quand il est multiple (non seulement dans la diversité de ses composantes, mais aussi dans le fait que la même âme visite successivement un nombre indéfini de corps) ; enfin, elle est lumière, intelligence, vie, quand il n'est qu'opacité, ignorance, mort (le corps est « animé » de l'intérieur – et, justement, par l'âme, laquelle l'éclaire et le chauffe, la vie durant, comme un soleil sis dans le cœur). Le paradoxe est que cette toute-puissance ne puisse se délivrer elle-même ; mais c'est qu'elle est impassibilité, inactivité contemplative, alors que le corps est mouvement, agitation, dispersion.

À propos de ce problème des rapports entre l'âme et le corps (l'existence de l'âme étant postulée avec toutes ses qualités et sa condition incarnée étant tenue pour un mal en soi, également par postulat), l'hindouisme présente une solution originale : la pensée, en jouant le rôle de conducteur du char, se trouve en effet à la charnière des deux entités et participe, en fait, de l'une et de l'autre. Du corps le manas (la pensée, l'esprit au sens « humain » du mot) tient son caractère périssable, multiple, actif. Il était facile, en effet, aux Indiens d'observer que l'esprit ne s'arrête jamais de fonctionner, même pendant le sommeil, et qu'il peut se dérégler à la suite d'une intervention extérieure de nature matérielle (coup sur la tête, absorption de boissons alcoolisées, etc.). On en conclut qu'il dépend étroitement de son environnement (ainsi la mémoire ne retient-elle que ce que l'esprit perçoit ou conçoit) et que, probablement, en raison même de cette dépendance, il ne survit pas au corps.

Pourtant, l'esprit a le pouvoir de forcer le corps à agir contre lui-même, comme on le voit dans le suicide, où le corps, conduit par l'esprit (manas), se fait l'agent de son propre anéantissement. Il y a là quelque chose qui semble aller au-delà des simples nécessités mécaniques de l'existence, et les textes doctrinaux du yoga disent qu'en effet la pensée humaine est capable, sous certaines conditions, de prendre conscience de la présence silencieuse de l'âme et d'en refléter la lumière. On donne parfois un nom particulier à cette faculté spirituelle, que l'on sépare plus ou moins du manas (on l'appelle alors buddhi, « intelligence »), mais le plus souvent on professe qu'il s'agit d'une qualité propre au manas lui-même. Et, pour expliquer pourquoi seuls certains individus sont capables de cette prise de conscience, on se réfère à la théorie de la transmigration (saṁsāra) qui veut que l'individu soit, à sa naissance, héritier de toutes les actions qu'il a accomplies durant la chaîne des vies qui ont précédé la sienne (doctrine du karman). Si le bilan est négatif, l'esprit, obscurci, obnubilé par les appétits charnels, est inapte à refléter la lumière émanant de l'ātman ; s'il est positif, l'illumination est possible. Elle[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

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Chakras du corps subtil - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chakras du corps subtil

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    ...pratiques indiennes auraient une origine arabe, mais un traité de Nâgârjuna, traduit en chinois par Kumârajîva trois siècles avant l'essor de l'alchimie arabe, fait état de la transmutation en or par deux procédés distincts, soit par la puissance des drogues, soit par la force développée par le yoga.
  • ĀRAṆYAKA

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    Mot sanskrit qui veut dire « forestier » et qui, au pluriel, désigne une classe de textes védiques, en prose ou en vers, destinés à l'enseignement de rites secrets et à l'herméneutique de cette liturgie marginale. Souvent d'ailleurs, le rituel est supposé connu, et les spéculations théologiques y...

  • ASANGA (entre IVe et VIe s.)

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    Parmi les maîtres les plus célèbres du bouddhisme de tendance mahāyāna, les deux frères Asanga et Vasubandhu, originaires du nord-ouest de l'Inde (région de Pashāwar), occupent une place importante. Asanga, l'aîné, est tenu pour le fondateur de l'école vijnānavāda, selon laquelle la réalité absolue...

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