ONO YOKO (1933- )
Yoko Ono se situe à l’intersection de la musique expérimentale, de l’art conceptuel et de la pop. Si cette approche pluridisciplinaire montre sa grande liberté, elle a longtemps rendu difficile sa reconnaissance par les divers milieux artistiques.
Née à Tōkyō le 18 février 1933, Yoko Ono est issue d’une des familles les plus puissantes du Japon. Du côté paternel, la généalogie des Ono comprend de nombreux nobles, samouraïs et religieux. Du côté maternel, les Yasuda, également des samouraïs, ont fait fortune dans les milieux bancaires. La fillette reçoit une excellente éducation, apprend le piano et le chant classiques. En 1951, elle est la première femme à étudier la philosophie à l’université de Gakushūin (Tōkyō), où elle découvre le marxisme, l’existentialisme et les courants pacifistes, avant de suivre des cours de composition et de poésie contemporaine au Sarah Lawrence College, près de New York. Elle fait alors la connaissance de Toshi Ichiyanagi (1933-2022), un compositeur japonais qu’elle épousera en 1956. Celui-ci l’introduit auprès de nombreux musiciens d’avant-garde : Stefan Wolpe, Morton Feldman, ou encore John Cage, avec lequel elle se lie d’amitié. À l’automne 1955, elle crée Lightning Piece, une des premières « partitions d’événement » (Event Scores) de l’histoire de la performance : « Allume une allumette et regarde-la jusqu’à ce qu’elle s’éteigne. » Dans une critique précoce de l’autorité de l’auteur, elle y distingue l’instruction de la réalisation de l‘œuvre, qui peut être déléguée à quiconque. En 1960-1961, avec le compositeur La Monte Young, elle élabore dans son modeste loft new-yorkais une série importante d’événements réunissant artistes, danseurs, musiciens ou encore poètes (Henry Flynt, Simone Forti, Toshi Ichiyanagi, Jackson Mac Low, Robert Morris, etc.). Ces manifestations révèlent le désir de Yoko Ono de sortir l’art du cadre institutionnel. À cette occasion, elle montre aussi ses Instructions Paintings. Celles-ci attirent l’attention de George Maciunas (1931-1978), futur fondateur du mouvement Fluxus. Il invite Ono à l’AG Gallery : Paintings & Drawings by Yoko Ono (1961) est une des premières expositions conceptuelles. Au début des années 1960, elle organise de nombreux concerts, en collaboration avec Jonas Mekas, Yvonne Rainer ou La Monte Young, joue de nouvelles partitions d’événements, absurdes et poétiques. Lors d’un long séjour au Japon, elle accompagne en tant que performeuse John Cage et David Tudor en tournée. Elle rassemble ses instructions et ses poèmes dans un ouvrage intitulé Grapefruit publié à compte d’auteur à Tōkyō en 1964, considéré désormais comme une pièce majeure : là encore, l’instruction prévaut sur l’exécution matérielle de l’œuvre, dans une célébration exaltée de l’imagination – « Œuvre Terre. Écoutez le bruit de la Terre qui tourne ».
De retour à New York avec son nouvel époux, le réalisateur Anthony Cox, et leur fille, Yoko Ono fréquente les membres de Fluxus, multiplie les performances (Cut Piece et Bag Piece, 1964) et conçoit ses premiers films. En 1966, invitée à participer au Destruction in Art Symposium, elle s’installe à Londres et expose à l’Indica Gallery où elle fait la rencontre de John Lennon. À l’initiative d’Ono, ils fondent le Plastic Ono Band, groupe de rock informel, réalisent des films – Film No. 5 (Smile), 1968 –, reprennent ensemble Bag Piece (1968). Leur mariage en mars 1969 est l’occasion d’un premier Bed-In en faveur de la paix, performance qu’ils réitèrent ensuite à Montréal, au mois de mai.
Au début des années 1970, Ono et Lennon prolongent leur engagement pacifiste (Declaration of Nutopia, 1973). Parallèlement, Ono poursuit ses recherches emplies d’humour dans le champ de l’art conceptuel. Ainsi son exposition imaginaire [...]
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Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
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