FRIEDMAN YONA (1923-2020)
C'est dans le contexte spécifique de la naissance de l'État d'Israël que Yona Friedman commence sa carrière en 1948, après des études menées à la Technical University de Budapest et au Technion d'Haïfa en Israël. Après plusieurs années d'exercice, le jeune Hongrois (né en 1923 à Budapest) participe au Xe congrès des CIAM à Dubrovnik, sur le thème de l'architecture mobile, et s'installe en France afin de pouvoir collaborer avec certains architectes prometteurs dont il venait de faire la connaissance. En 1958, il est ainsi le cofondateur à Paris du GEAM (Groupe d'études d'architecture mobile) avec Roger Aujame, David-Georges Emmerich, Jerzy Soltan, Jan Trapman et Jean Pecquet. La même année, le groupe organise son premier congrès à Rotterdam et Friedman publie, en allemand puis en français, L'Architecture mobile, qui contenait les germes de toutes ses futures théories architecturales.
La réflexion polymorphe des membres du GEAM consiste à envisager une ville dans laquelle les fonctions séparées par la Charte d'Athènes seraient réintégrées et repensées afin d'améliorer la communication et la circulation urbaines. Mais le principe fondateur prôné par Friedman et ses collègues, et qui marqua l'originalité de leur approche, consistait à ne plus percevoir l'habitant comme un « homme moyen » – référence grinçante au Modulor de Le Corbusier – mais comme un acteur impliqué dans les choix constructifs : dorénavant, ce serait l'architecture qui devrait s'adapter à l'homme, et non l'inverse.
Cette approche originale tendant vers l'auto-construction constitue la ligne directrice des recherches de Friedman, qui s'associe en 1965 à un nouveau groupe de recherche fondé par le critique Michel Ragon, le GIAP (Groupe international d'architecture prospective) en compagnie de Nicolas Schöffer, Georges Patrix, Ionel Schein, Walter Jonas et Paul Maymont. La dimension prospective assumée de son travail fait qu'on a souvent classé Friedman parmi les architectes utopistes, ceux qui produisent une architecture de papier sans parvenir à la concrétiser. Passionné par la recherche de solutions nouvelles, il n'accepte cependant jamais ce qualificatif, considérant que ses propositions sont constructibles, comme il l'explique dans un nouveau livre en 1976, intitulé avec humour Utopies réalisables. Friedman défend ainsi depuis une quarantaine d'années sa conception inédite d'une architecture construite par les habitants, pour les habitants, illustrée dès la fin des années 1950 par les premières versions de sa Ville spatiale. Ce projet est basé sur le principe d'une multiplication de la surface originale de la ville grâce à des plans surélevés à 30 mètres de hauteur, permettant « d'enjamber » des terrains cultivés, inconstructibles ou des villes existantes afin de les préserver. Ces structures – héritières des recherches de Konrad Wachsmann – devaient être constituées de trames métalliques montées sur pilotis et composées d'éléments triédriques dessinant des « quartiers » au sein de la ville ainsi constituée. L'idée de Friedman était de laisser les habitants libres d'imaginer leurs modules d'habitation et de les intégrer à cette grille, où ils le souhaitaient. L'architecte n'aurait alors qu'un rôle de consultant. Le projet de la Ville spatiale, développé sous forme de croquis, de collages, de maquettes et même de bandes dessinées – dans un souci pédagogique et didactique – était destiné à alléger la rigidité des villes et à offrir aux habitants une plus grande mobilité sociale alliée à une « démocratie directe » garante de leur juste implication dans la création de leur environnement. Ce projet non réalisé a notamment eu un impact considérable au Japon, en particulier sur le[...]
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Écrit par
- Eve ROY : docteure en histoire de l'art
Classification
Autres références
-
ARCHITECTURE CONTEMPORAINE - Une architecture plurielle
- Écrit par Joseph ABRAM , Kenneth FRAMPTON et Jacques SAUTEREAU
- 11 661 mots
- 17 médias
Il faut aussi mentionner le groupe G.E.A.M. (Groupe d'études d'architecture mobile), en particulier l'œuvre de Yona Friedman et celle d'Eckhart Schulze-Fielitz, tous deux influencés par l'idéologie situationniste qui suppose la conception, chère à Constant Nieuwenhuys, d'un environnement urbain...