YOUGOSLAVIE
La république populaire fédérative de Yougoslavie
Sous la pression des Alliés qui voulaient un gouvernement d'union nationale avec une continuité juridique entre l'ancien État et la nouvelle Yougoslavie, un accord avait été conclu entre le secrétaire du Parti communiste yougoslave (K.P.J.), Josip Broz dit « Tito », et le président du gouvernement exilé, Ivan Šubašić : l'accord Tito-Šubašić du 16 juin 1944. Cependant, l'application de cette entente allait être par la suite compromise. Formant la nouvelle Assemblée nationale, le Conseil antifasciste de libération nationale yougoslave (A.V.N.O.J.) ne fut pas complété par des membres du dernier parlement yougoslave d'avant-guerre. Des leaders de certains partis politiques non compromis durant le conflit furent intégrés au Front populaire, sans pour autant disposer de pouvoir effectif. Le Front populaire devint assez rapidement la succursale administrative du Parti communiste, Ivan Šubašić et Milan Grol (chef du Parti démocrate) démissionnèrent. L'opposition boycotta les élections législatives du 11 novembre 1945, complètement organisées et contrôlées par le K.P.J. La seule liste, celle du Front populaire, obtint 90,48 p. 100 pour et 9,52 p. 100 contre. Le 29 novembre 1945, la monarchie était officiellement abolie et la dynastie royale des Karadjordjević dépossédée de ses biens. L'Assemblée constituante proclamait à l'unanimité la république populaire fédérative de Yougoslavie (F.N.R.J.), avec Belgrade pour capitale. Calquée sur la Constitution soviétique de 1936, la nouvelle Constitution fut promulguée le 31 janvier 1946, Tito déclaré maréchal et chef de l'État. La Constitution proclamait l'égalité en droit de tous les peuples sans distinction de nationalité, race ou religion (art. 21) et instituait un État fédéral composé de six républiques (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie et Macédoine), de la province autonome de Vojvodine et de la région autonome du Kosovo-Metohija, toutes deux rattachées à la Serbie. Le pouvoir réel des républiques était encore très réduit. Officiellement, le pouvoir appartenait aux peuples, mais en réalité le K.P.J. contrôlait toutes les institutions de la société. Tous les moyens de production ainsi que l'industrie, les moyens de transport, les banques et assurances furent nationalisés ; le gouvernement contrôlait le commerce extérieur. Une grande partie des biens immobiliers fut confisquée, en particulier ceux des personnes compromises avec l'ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Ier plan quinquennal (1947-1951) mettait l'accent sur l'industrie lourde et l'électrification. La gestion était centralisée.
Le nouveau régime mena une lutte sans merci contre les opposants au régime, et en particulier contre le mouvement de résistance royaliste (tchetniks). Le commandant en chef des tchetniks, Draja Mihajlović, fut condamné et exécuté en juillet 1946 pour haute trahison pendant la guerre. Le second procès important fut celui de Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, collaborateur du régime fasciste croate d'Ante Pavelić, condamné en octobre 1946 à seize ans de prison, commués en 1951 en résidence surveillée.
La rupture Tito-Staline
La rupture entre Tito et Staline reflète une situation extrêmement complexe et ambiguë. Belgrade, d'une part, opposait une résistance à l'hégémonie soviétique et, d'autre part, adoptait des mesures draconiennes traduisant le durcissement du monopole politique du Parti communiste et l'absence de changement fondamental de son cadre idéologique. Il semble que la rupture de 1948 ne soit pas le fruit de divergences idéologiques, mais bien le résultat de manœuvres politiques des deux pays au sein du mouvement communiste international. On peut penser que Staline caressait effectivement le projet d'étendre les frontières de[...]
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Écrit par
- Christophe CHICLET
: docteur en histoire du
xx e siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revueConfluences Méditerranée - Catherine LUTARD : docteur de l'université de Bordeaux-III, chercheur associé à l'Institut de recherche sur les sociétés postcommunistes (I.R.E.S.C.O., Nanterre), collaboratrice scientifique à l'Université libre de Bruxelles
- Robert PHILIPPOT : professeur à l'Institut national des langues orientales vivantes
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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