BOUKOFF YOURI (1923-2006)
Situé au carrefour de deux cultures, le Français d'origine bulgare Youri Boukoff est l'un des rares pianistes de l'après-guerre à avoir uni aussi intimement dans son jeu la puissance de la technique russe à la clarté d'élocution de la tradition française.
Youri (Yuri) Boukoff naît à Sofia, en Bulgarie, le 1er mai 1923. Sa mère, cantatrice d'origine russe, l'initie très tôt au piano. Il poursuit ses études à Sofia, à l'Académie de musique de l'État bulgare, avec un des meilleurs professeurs de piano de son pays, Andreï Stoïanov, frère du compositeur Veselin Stoïanov. En 1938, il donne, dans sa ville natale, son premier récital en public. Après la Seconde Guerre mondiale, il remporte le concours national de Bulgarie, ce qui lui permet d'obtenir du gouvernement français une bourse pour venir étudier au Conservatoire de Paris.
Il y entre dans la classe d'Yves Nat, dont il ressort en 1946, nanti d'un premier prix de piano. Il bénéfice à cette époque des conseils de personnalités de sensibilités aussi diverses que Georges Enesco, Edwin Fischer, Marguerite Long ou Jacques Février. En quelques années, il remporte de nombreux prix internationaux : il est lauréat du Concours international d'exécution musicale de Genève en 1947, quatrième prix au Concours international Marguerite Long-Jacques Thibaud en 1949 – ce qui est plus qu'honorable, car il est devancé par Aldo Ciccolini et Ventsislav Yankoff (ex aequo), Daniel Wayenberg et Paul Badura-Skoda – et, en 1952, huitième prix d'un concours musical international Reine Élisabeth de Belgique particulièrement relevé puisqu'il retrouvait en finale, entre autres candidats, Leon Fleisher, Karl Engel, Maria Tipo et Philippe Entremont. Il est naturalisé français en 1952. Le développement de sa carrière internationale va, en 1956, faire de lui le premier pianiste européen autorisé à effectuer une tournée en Chine.
Youri Boukoff affectionnait tout particulièrement la musique russe et le grand répertoire romantique, en récital comme avec des orchestres dirigés par des chefs de la stature d'André Cluytens, Hans Knappertsbusch, Seiji Ozawa, Igor Markevitch ou Artur Rodziński. Il crée en 1974 le Troisième Concerto pour piano de Pierre Wissmer (qu'il enregistrera avec l'Orchestre symphonique de la R.T.L. sous la direction de Louis de Froment). Il se fait le défenseur du Concerto pour piano en fa de Gian Carlo Menotti (enregistré avec l'Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire sous la baguette d'André Cluytens).
Le rythme de ses concerts se ralentit à partir de 1970. Il continuera cependant de se produire, seul ou en compagnie de sa petite-fille, la mezzo-soprano Yana Boukoff, jusqu'à l'été de 2005. Youri Boukoff meurt le 7 janvier 2006 à Neuilly-sur-Seine.
Préférant le concert aux studios d'enregistrement, ce pianiste à la fois virtuose – même si la technique était parfois défaillante –, sobre et expressif, laisse une discographie réduite dont se détachent une remarquable intégrale des sonates pour piano de Prokofiev, des pièces de Balakirev, Rachmaninov, Khatchatourian, Scriabine (1953), la Deuxième Rhapsodie hongroise et les Caprices poétiques no 2 et no 3 de Liszt (1955), la Sonate en si mineur de Liszt (1976), la Sonate en la majeur pour piano et violon de César Franck et la Deuxième Sonate pour violon et piano de Ravel (1976, avec la violoniste Nell Gotkovsky), les Douze Études symphoniques, opus 13, et la Fantaisie en ut majeur, opus 17, de Schumann (1980), la Troisième Sonate pour piano et la Sonate pour violon et piano de Richard Strauss. Youri Boukoff a également joué et enregistré de nombreuses transcriptions d'œuvres de Jean-Sébastien Bach (Jesu bleibet meine Freude, dans l'arrangement par Myra Hess ; Premier Concerto pour clavecin ; Chaconne, arrangement[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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