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IDRISS YOUSSEF (1927-1991)

Homme de lettres égyptien, auteur de romans et de pièces de théâtre, Youssef Idriss est surtout connu pour ses nouvelles, dont douze recueils ont été publiés entre 1954 et 1981. Né dans la province de Charquia, à l'est du Delta, il quitte la campagne dès l'adolescence pour habiter la ville, dans la région du Delta d'abord, plus tard au Caire. Dans ses œuvres littéraires se fera sentir sa sensibilité aux traits socioculturels de ces deux milieux. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il commence des études de médecine au Caire, dans une période très agitée – politiquement et socialement – d'opposition à l'occupant britannique et au gouvernement en place. Comme une bonne partie de la jeunesse égyptienne animée d'idées progressistes, il aspire à une société indépendante et plus juste, et participe activement aux mouvements étudiants. C'est à ce moment-là qu'il s'essaie à écrire ses premières nouvelles. Au début des années 1950, il exerce comme médecin à Al-Darb Ahmar, quartier populaire très pauvre du Caire. Cette expérience de la misère humaine, de la maladie et de la mort le marque profondément ; il l'évoque maintes fois dans ses écrits, sous une forme réaliste ou métaphorique.

Son premier recueil de nouvelles, Arkhas Layali (Les Nuits les moins chères, 1954), le fait apprécier du milieu littéraire et connaître du grand public. Son style réaliste témoigne d'une finesse d'observation des comportements humains et des situations sociales qui se confirmera dans ses œuvres publiées les années suivantes, notamment : Al-Batal (Le Héros, 1957), Qa al-Madina (Au fond de la ville, 1957), Akhir al-dunya (La Fin du monde, 1961).

Au cours des années 1960, et suivant une tendance qui se dessine en Égypte, l'élément allégorique et symbolique prend de plus en plus d'importance dans ses écrits, surtout à la suite de la guerre de 1967 qui a laissé des blessures profondes. Il y évoque une réalité politico-sociale pesante, dans la dernière phase du régime nassérien, et des individus pris dans l'étau de l'appareil de l'État et de ses pouvoirs tentaculaires. Les personnages d'Al-Naddaha (La Sirène, 1969) et ceux de Bayt-min-Lahm (La Maison de chair, 1971) apparaissent brisés, persécutés dans l'ensemble de leurs rapports avec les différentes formes d'autorité. L'optimisme un peu naïf des premières nouvelles de Youssef Idriss fait place à une amertume sévère et à un regard nihiliste. C'est par l'amour physique que certains de ses personnages parviennent à affronter l'angoisse de l'existence et le poids des interdits dans un monde de plus en plus absurde. L'écriture de ses nouvelles se caractérise par un rythme vif et saccadé. Se souciant peu des règles syntaxiques traditionnelles, Youssef Idriss mêle harmonieusement des expressions du langage parlé – qu'il insère dans les dialogues et parfois même dans le récit – à la langue littéraire classique. Il a également produit quelques œuvres théâtrales, comme Al-Farafir (Les Jongleurs, 1964). Dans cette pièce, il met en scène des personnages et des scènes typiques de la vie populaire, avec l'intention de créer un théâtre égyptien original qui se démarque de la forme occidentale. Mais cette expérience ne sera pas poursuivie...

Dans la dernière partie de sa vie, ce sont surtout des articles que Youssef Idriss publiera dans des journaux (le quotidien Al-Arham notamment, auquel il est attaché depuis 1969), où il commente avec verve et esprit critique les événements de l'actualité. C'est à cette même période qu'il traverse des phases dépressives où il doute du rôle de l'écrivain face au pouvoir de la presse et des médias. Cette vision désabusée sera l'axe principal de sa dernière œuvre théâtrale, Al-Bahlwan (Le[...]

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Écrit par

  • : doctorat d'histoire, lecteur d'arabe à l'université de Paris-VIII, chargé de cours à l'université de Paris-IV

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