KARSH YOUSUF (1908-2002)
Le photographe canadien Yousuf Karsh est né le 23 décembre 1908 dans une famille arménienne installée à Mardin (Empire ottoman), au Kurdistan. Victime de persécutions, sa famille émigre à Alep (Syrie), alors sous mandat français, en 1922. À la fin de l'année 1924, George Nakash, un oncle photographe établi dans la ville canadienne de Halifax, accueille l'adolescent qui envisage de devenir médecin. Mais Yousuf Karsh choisit bientôt de travailler dans le studio de son oncle ; il sera comme lui photographe. Ses premières images, prises dans la campagne environnante de Sherbrooke lui valent le prix d'un concours local et le confortent dans sa nouvelle vocation. En 1928, George Nakash confie son neveu à son ami John H. Garo, célèbre portraitiste à Boston. Celui-ci introduit son assistant-élève dans le monde brillant qui fréquente son studio. Le jeune immigré trouve auprès des artistes, écrivains, acteurs ou musiciens le milieu qui lui permet d'acquérir une culture générale et une certaine assurance.
En 1931, Karsh ouvre son propre studio à Ottawa, où il travaille comme ses maîtres, en lumière du jour. Il reçoit ses premières commandes de portraits et d'illustrations pour l'hebdomadaire illustré Saturday Night. À l'occasion de séances de photographies de scène pour l'Ottawa Little Theatre, il découvre les qualités de l'éclairage artificiel, stable et contrôlable. Grâce à cette maîtrise de la lumière en studio il réussit une série de portraits du gouverneur général d'Ottawa, lord Bessborough, et de sa femme. Les photographies paraissent dans la presse canadienne et dans The Illustrated London News. Ce début de notoriété servira Karsh auprès du successeur de lord Bessborough, lord Tweedsmuir, qui lui confie en 1936 le reportage de sa rencontre avec Franklin D. Roosevelt à Québec, en compagnie du Premier ministre, William Lyon Mackensie King.
En décembre 1941, grâce à l'appui de Mackensie King, Karsh réalise le portrait de Winston Churchill à Ottawa. Le photographe écrira plus tard comment, après avoir lui-même retiré le cigare de la bouche de son modèle, il aréussi à fixer sur la pellicule l'agacement de Churchill. La photographie, dans laquelle on a voulu voir la détermination du « vieux lion » à vaincre Hitler, figurera en couverture de Life et sera reprise dans le monde entier. À Londres où il séjourne en 1943, Karsh fait poser plus de quarante personnalités, le roi George VI et sa fille la princesse Elizabeth, le roi de Norvège, Haakon VII, alors en exil, le général de Gaulle, des écrivains et des artistes. Publié en 1946 dans Faces of Destiny, ce gotha en images assure la notoriété de Yousuf Karsh qui devient et restera le photographe des grands de ce monde et des célébrités.
Intransigeant sur la qualité d'un travail qu'il exécute avec un appareil de prises de vue en grand format (la chambre d'atelier), Karsh affiche une rigueur qui signe sa production. L'éclairage contrasté, dur, expressionniste (Louis Jouvet, Kurt Weill), fait souvent ressortir les mains du modèle. La pose, toujours sur fond sombre, n'est jamais spontanée, même si certains portraits d'intellectuels ou d'artistes (George Bernard Shaw, Martha Graham) n'adoptent pas la posture officielle des hommes d'État.
À part quelques reportages (les usines Ford de Detroit en 1951, le Lenox Hill Hospital de New York en 1979), Yousuf Karsh poursuit sa carrière de portraitiste jusqu'en 1991. Dans ses nombreuses monographies dont il signe les textes, il aime rapporter les anecdotes sur ces présidents, souverains ou papes, qui le reçoivent en ami et lui font des cadeaux. Naturalisé Canadien en 1946, Yousuf Karsh accumulera distinctions, médailles et nominations. En 1970, il est admis à la Royal Photographic Society de Londres et nommé professeur à l'Ohio University de 1967 à 1969,[...]
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
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