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YU DAFU[YU TA-FOU](1896-1945)

Né dans le Zhejiang, Yu Dafu appartient à une famille de propriétaires terriens d'aisance moyenne. Après des études secondaires à Hangzhou et dans une école de la mission américaine, il passe à l'université impériale de Tōkyō où il se spécialise à la fois en économie politique et en lettres allemandes, anglaises et russes. En 1921 paraît à Shanghai un premier volume de nouvelles signées de lui, Naufrage (Chenlun).

En 1921, Yu Dafu fonde avec Guo Moruo l'école littéraire romantique de Création (Chuangzao), dont l'histoire est étroitement liée à celle de son œuvre. Professeur d'anglais à Anqing en 1922 et 1923, il est responsable du premier numéro de Création (mai 1922), aussitôt attaqué par l'école rivale de Maodun, l'Association de recherches littéraires (Wenxue yanjiu hui), qui lui reproche sa théorie de « l'art pour l'art » et son « érotisme décadent ». La période est féconde en productions littéraires qui paraissent dans Création, alors publication trimestrielle. De retour à Shanghai en 1923, Yu Dafu devient rédacteur en chef du quotidien Création, qui dure cent jours, jusqu'à son départ pour Pékin comme professeur. Yu Dafu écrit et publie peu, notamment quelques-unes de ses nouvelles les plus connues, parmi lesquelles Un humble sacrifice (Bodian). En 1926 et 1927, Yu Dafu est à Canton, où se trouvent aussi Guo Moruo et d'autres membres de Création ; le groupe reprend ses activités avec un mensuel du même nom et le bi-mensuel Hongshui (« Le Déluge »). Yu Dafu revient en janvier 1928 à Shanghai où il publie son Journal. Création disparaît, interdite sous la terreur blanche du Guomindang, mais détruite avant même le coup d'État de Tchiang Kai-chek, à cause des divergences entre Yu Dafu et Guo Moruo au sujet de l'expédition vers le Nord (Beifa). Yu Dafu se rapproche alors du groupe de la revue Yusi (« Paroles ») dirigée par Luxun, avec lequel il publie aussi la revue Benliu (« Torrents ») à partir de juin 1928. Lui-même lance Dazhong wenyi (« L'Art et la littérature des masses »). Ces deux revues interdites en 1930, Yu Dafu contribue activement à la fondation de la Ligue des écrivains de gauche, sur l'initiative de Luxun, mais il cesse aussitôt d'en faire partie et quitte Shanghai. On sait peu de chose sur les années qui suivent : il est à Hangzhou de 1933 à 1935, fait partie du gouvernement du Fujian en 1936, mais rejoint le Japon à la fin de la même année. Il y retrouve Guo Moruo et travaille un moment avec lui. Il est à Wuhan en 1938, puis à Singapour, où il publie en 1939 la revue Typhon. Président de l'Association des intellectuels contre le Japon et membre actif du Comité de mobilisation des Chinois émigrés, il est contraint de fuir à l'arrivée des Japonais à Singapour en 1942 et se réfugie à Sumatra, où il vit sous un faux nom jusqu'en septembre 1945. Reconnu, il est assassiné par la police japonaise quelques mois plus tard.

Toutes les nouvelles de Yu Dafu sont étroitement autobiographiques. Leurs sujets, puisés à même sa vie et souvent dans l'instant, sont en définitive la chronique de sa propre existence, minutieusement analysée jusque dans les moindres nuances du sentiment et même de la sensualité. Il a pour règle la sincérité absolue de l'écrivain, même si elle doit révéler des faiblesses, des bassesses ou même des dépravations. Sa subjectivité exaltée et souvent morbide, qui dramatise constamment les souffrances de l'écrivain moderniste et révolutionnaire dans une société encore féodale, fait de Yu Dafu un écrivain typique de son époque, à la fois romantique et naturaliste, et qui évolue, comme beaucoup d'autres alors, de l'individualisme au marxisme.

— Michelle LOI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de jeunes filles, agrégée de l'Université (lettres), docteur d'État, professeur honoraire à l'université de Paris-VIII, département de littérature générale, domaine chinois

Classification

Autres références

  • GUO MORUO [KOUO MO-JO] (1892-1978)

    • Écrit par et
    • 1 611 mots
    ...son enfance. Il était, depuis plusieurs années déjà, attiré par la littérature et s'était lié d'amitié avec d'autres écrivains, notamment Cheng Fangwu, Yu Dafu, Tian Han, Zhang Ziping. C'est avec eux que fut fondée à Tōkyō, en 1921, une société littéraire appelée Création (Chuangzao) qui...