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YUAN MEI (1715-1797)

Auteur assez important dans l'histoire de la littérature et de la pensée chinoises pour que le grand sinologue anglais Arthur Waley lui ait consacré tout un ouvrage (Yuan Mei, 1956). De sa vie, il y a peu à dire. Grâce à ses amis, importants dans le monde mandchou, Yuan Mei fut, à l'âge de vingt-sept ans, préfet dans la région de l'actuel Jiangsu, où il fit toute sa carrière administrative. Mais c'est un homme qui aime la vie et quand il se retire de l'administration pour « cause de maladie » à l'âge de trente-trois ans, il a déjà près de lui, en plus de sa femme, deux très belles concubines, qui seront remplacées ou suivies par plusieurs autres. Il achète alors à Suzhou, qui est toujours considérée comme une des plus belles villes de la Chine, un jardin célèbre pour avoir été envié par Li Bo et avoir appartenu à la famille très riche de l'auteur du Rêve dans le pavillon rouge.

 À part un voyage de quelques mois dans le nord-ouest de la Chine, il ne quittera plus son jardin de Suzhou où il mène une vie de loisir dans la dignité, avec ses écrits comme gagne-pain. Ses revenus sont suffisants pour lui permettre d'entretenir une grande famille et de recevoir largement ses amis. Il est entouré également de disciples avides de recevoir ses conseils. Parmi cet entourage, il y a un certain nombre de jeunes femmes désireuses de bénéficier des leçons de Yuan Mei sur la poésie et sur la culture chinoise en général. Il y a chez lui un féminisme qui est très en avance sur son temps et qui sera très critiqué, d'autant que Yuan Mei est loin d'être insensible au charme féminin : on appellera sa maison l'« Académie des sourcils peints » et on l'accusera de libertinage, ce qui semble injustifié. Il sera par contre l'éditeur de plusieurs collections de poèmes composés par des femmes.

Voici donc le décor dans lequel il faut situer son œuvre littéraire. Celle-ci est très vaste et l'on en dégagera seulement quelques œuvres importantes ou ses principaux aspects. Ses Notes variées, sorte de journal où il écrit chaque jour ce qui lui vient à l'esprit, sont un livre passionnant. On y voit un esprit rationaliste, qui rejette les croyances anciennes mais sans philosophie systématique autre qu'un certain hédonisme pratique, un homme cultivé mais qui n'essaie pas d'élucider les problèmes d'érudition posés par telle ou telle œuvre. Yuan Mei est également l'auteur d'un ouvrage d'histoires de fantômes, qui contient aussi des expériences psychiques extraordinaires de l'auteur, de ses proches ou de ses amis. Elles nous paraissent assez irrationnelles et incohérentes, mais souvent amusantes. Yuan Mei a aussi écrit un petit livre sur la cuisine, sujet qu'aurait dédaigné tout autre lettré de talent ; cet ouvrage eut en fait beaucoup de succès. Enfin, les récits des nombreux voyages de Yuan Mei sont souvent très pittoresques.

En poésie, car Yuan Mei est souvent considéré d'abord comme un poète, on trouve deux types d'œuvres : des poèmes intimes, généralement pleins d'humour, adressés à ses amis, et des poèmes solennels dont les destinataires étaient des gens importants. Même son Traité de la poésie, composé en grande partie d'anecdotes, est riche de nombreux poèmes, ce qui n'était pas la coutume dans ce type d'ouvrages.

Toute la personnalité et l'œuvre de Yuan Mei font preuve d'une grande originalité, sans qu'il ait été lui-même l'un de ces « excentriques », comme l'histoire chinoise nous en montre quelques-uns, par groupes en général, à plusieurs époques.

— Yves HERVOUET

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France

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  • CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature

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    La forme, chez Pu Songling, l'emporte sur le contenu qui est assez quelconque. Il n'en va pas de même, au siècle suivant, du poète Yuan Mei (1716-1798), une des figures les plus originales de l'époque mandchoue. Esprit indépendant, Yuan Mei s'éleva contre le moralisme étroit des milieux officiels,...