AHRONOVITCH YURI (1932-2002)
Ayant rompu assez tôt avec la tutelle soviétique, le chef d'orchestre Yuri Ahronovitch, contemporain d'Evgeni Svetlanov et de Guennadi Rojdestvenski, a mené une carrière très différente de celle de ses compatriotes.
Yuri Mikhaïlovitch Ahronovitch naît à Leningrad le 13 mai 1932 et reçoit dès l'âge de quatre ans une formation de violoniste à l'École centrale de musique puis au conservatoire de sa ville natale, dont il sort diplômé en 1954. Il se tourne vers la direction d'orchestre, qu'il étudie avec Nathan Rakhlin, chef de l'Orchestre symphonique d'État de l'Ukraine, et Kurt Sanderling, chef de l'Orchestre philharmonique de Leningrad. En 1956, il est nommé à la tête de l'Orchestre philharmonique de Saratov ; il enseigne également au conservatoire de cette ville. Puis il dirige l'Orchestre de Iaroslavl (1957-1963) avant de venir à Moscou comme chef permanent de l'Orchestre symphonique de la Radio en 1964. À la même époque, il dirige des représentations de ballets au Bolchoï. Mais deux lourds handicaps le tiennent à l'écart des emplois importants : ses origines juives et le fait qu'il n'a pas été formé au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, le sérail où se font et se défont les carrières officielles.
En 1972, Ahronovitch décide d'émigrer en Israël et d'en adopter la nationalité. Il donne quelques concerts avec l'Orchestre philharmonique d'Israël puis avec l'Orchestre philharmonique de New York. Sa carrière se développe très vite dans le monde, d'abord à Londres, puis aux États-Unis. Il est invité à diriger Otello de Verdi à l'Opéra de Cologne puis il fait ses débuts au Covent Garden de Londres en 1974 en dirigeant Boris Godounov de Moussorgski. Un an plus tard, il succède à Günter Wand à la tête de l'Orchestre du Gürzenich de Cologne, ville où il se fixe : il est le premier chef non germanique nommé à la tête de cet orchestre. Il conserve ce poste jusqu'en 1986, tout en assurant la direction de l'Orchestre philharmonique de Stockholm de 1982 à 1987 (il sera élu membre de l'Académie royale de musique suédoise en 1984).
Il préfère ensuite mener une carrière de chef invité, mieux adaptée à son tempérament changeant, imprévisible, capable de susciter l'enthousiasme comme l'incompréhension. Dans le domaine lyrique, il est invité au Lyric Opera de Chicago, à la Staatsoper de Munich, aux festivals de Savonlinna et de Bregenz, aux Arènes de Vérone et dans les principaux théâtres italiens, notamment à la Scala de Milan. Dans le domaine symphonique, en dehors de ses attaches permanentes, il se partage principalement entre Londres, Israël et l'Allemagne. En France, il dirige les orchestres de Radio France et l'Orchestre de Paris, avec lequel il donnait, les 4 et 5 octobre 2002 au théâtre Mogador, une série de concerts trois semaines avant sa mort, survenue le 31 octobre 2002 à Cologne.
Doté d'un sens inné du théâtre, Yuri Ahronovitch possédait ce charisme commun à la plupart des chefs d'orchestre russes, un sens de l'expression parfois exacerbé et une formidable puissance dramatique. Sa longue baguette, disproportionnée par rapport à sa petite taille, et sa crinière blanche évoquaient autant Leopold Stokowski que Groucho Marx. Ses rencontres avec les orchestres français, peu nombreuses, se terminèrent toujours par des effusions. Dans sa discographie, abondante, la musique russe se taille la part du lion. En mars 1993, il avait dirigé à la Tonhalle de Zurich la création du Premier Concerto pour piano de Rachmaninov dans sa version originale, avec Karina Wisniewska.
Discographie sélective
E. Bloch, Schelomo ; J. Haydn, Deuxième Concerto pour violoncelle, en ré majeur ; P. Hindemith, Concerto pour violoncelle, Mstislav Rostropovitch, Grand Orchestre[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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