TEMIRKANOV YURI (1938-2023)

Chef d’orchestre russe, Yuri Temirkanov naît le 20 décembre 1938 à Naltchick, capitale de la république de Kabardino-Balkarie, république autonome de l’Union soviétique. Son père, qui sera exécuté en 1942 comme partisan par les troupes nazies, est alors chef du comité des arts local. La ville accueille de nombreux musiciens déplacés pendant la guerre, parmi lesquels Serge Prokofiev qui fréquente sa famille. Le jeune Yuri commence à neuf ans l’apprentissage du violon avec Trouvor Scheibler à l’école des jeunes talents de Leningrad. En 1957, il entre au Conservatoire de Leningrad où il travaille, outre le violon et l’alto, la direction d’orchestre avec Ilia Moussine et Nikolaï Rabinovich. Il y obtient un diplôme de violon en 1962 et de direction d’orchestre en 1965. En 1966, il remporte le premier prix au Concours national soviétique des chefs d’orchestre, compétition qui ne s’était plus déroulée depuis trente ans. Dès l’année suivante, Kirill Kondrachine l’invite à prendre part à la tournée qu’effectue l’Orchestre philharmonique de Moscou en Europe et aux États-Unis. Evgueni Mravinski l’appelle en 1967, à la suite de ses brillants débuts à l’Orchestre philharmonique de Leningrad, comme assistant. Il occupera cette fonction jusqu’en 1976, date à laquelle il est nommé directeur du Théâtre Kirov (aujourd’hui Théâtre Mariinski). Il y réalisera de prestigieuses productions : Guerre et paix de Prokofiev (1977), la création des Âmes mortes de Rodion Chtchedrine (1977), Eugène Onéguine (1982) et La Dame de pique (1984) de Tchaïkovski ainsi que Boris Godounov de Moussorgski (1986). À la mort de Mravinski, en 1988, il prend sa succession à la tête de l’Orchestre philharmonique de Leningrad, qui devient, en 1991, l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg. Il conservera ce mandat jusqu’en 2021. Il sera également chef principal invité au Théâtre Bolchoï de Moscou (2007-2009).

À partir du début des années 1990, la carrière de Temirkanov prend son essor en Europe occidentale. Il dirige l’Orchestre royal philharmonique de Londres (1992-1998), l’Orchestre symphonique national de la Radio danoise (1998-2008), l’Orchestre symphonique de Baltimore aux États-Unis (1999-2006) et le Teatro Regio de Parme (2010-2012). Invité par les principales formations européennes, il est appelé à la tête de l’Académie nationale Sainte-Cécile de Rome en 2015. On lui doit la première audition de la deuxième symphonie d’Edison Denisov (1996) et celle de « …al Niente » de Giya Kantcheli, qui lui est dédiée (2000). Longtemps professeur au conservatoire de Leningrad (1979-1988), il enseigne par la suite dans de nombreuses académies musicales. Il meurt le 2 novembre 2023 à Saint-Pétersbourg.

Ultime héritier de la grande tradition russe, Yuri Temirkanov a conquis le public par sa direction passionnée, avide de couleurs flamboyantes. Sa sobre gestique, mains nues, dissimule une très belle intensité expressive et une subtile maîtrise du rubato. Sa très vaste discographie, chez Melodia puis pour les principaux labels occidentaux, couvre toute l’étendue du répertoire symphonique. Mais c’est au sein de la musique russe, de Tchaïkovski à Prokofiev et Chostakovitch, que l’on trouvera ses réussites les plus éclatantes.

— Pierre BRETON