CONGAR YVES (1904-1995)
Né à Sedan le 13 avril 1904, Yves Congar est issu d'une famille bien implantée localement. Il y achève ses études secondaires, avant de s'orienter vers le sacerdoce sous l'influence de l'abbé Lallement, un compatriote. Arrivé au séminaire parisien des Carmes en 1921, le jeune clerc fait ses trois ans de philosophie scolastique à l'Institut catholique. Après son service militaire, il entre en 1925 au noviciat de la province dominicaine de France. L'année suivante, c'est la découverte décisive du Saulchoir, couvent d'études de la province exilé en Belgique, près de Tournai, depuis le début du siècle. Il y effectue ses trois années de théologie, puis se prépare à y enseigner sous la houlette amicale de celui qui en devient alors l'animateur intellectuel : Marie-Dominique Chenu.
Un théologien œcuménique
Ordonné prêtre en 1930, le jeune théologien commence ses cours d'apologétique et d'ecclésiologie deux ans plus tard, au moment précis où Chenu accède à la régence des études. Le frère Congar s'intègre bien à l'équipe de ce dernier, dans laquelle la fidélité à saint Thomas d'Aquin ne s'accompagne d'aucune flagornerie envers sa postérité ni n'excuse aucune entorse à l'intégrité des faits, historiques ou contemporains. Il en devient vite l'une des étoiles montantes, après la fondation en 1937 de la collection Unam Sanctam, aux éditions dominicaines du Cerf, pièce maîtresse de la réévaluation et de la rénovation de l'ecclésiologie en France. Car le problème de Congar, c'est l'Église, ou plus précisément l'insertion de celle-ci, jugée insuffisante, dans le monde du xxe siècle. La multiplicité de ses rencontres avec de jeunes anglicans, orthodoxes ou protestants lui fournit une image des frères séparés assez différente de celle des manuels en usage dans les séminaires. Cette image lui inspirera Chrétiens désunis (1937), premier essai catholique de théologie œcuménique en langue française, qui inaugure sa collection. À la fin des années 1930, le nom de Congar n'est plus tout à fait inconnu : sa conclusion à l'enquête de la Vie intellectuelle sur les raisons de l'incroyance avait convaincu, dès 1935, qu'il entendait dégager le « vrai visage de l'Église » pour permettre à ceux qui l'ont quittée d'y revenir.
La guerre interrompt brutalement une activité en plein essor. Fait prisonnier en 1940, le lieutenant Congar subit une rude captivité qui prendra fin au printemps de 1945. Adversaire résolu du nazisme, et de longue date, il arme ses compagnons contre ce dernier, sans parvenir à s'évader malgré plusieurs tentatives. Dès son retour en France, il plonge avec enthousiasme dans le bouillonnement apostolique du pays tout en reprenant son enseignement au Saulchoir, désormais installé en grande banlieue parisienne. Son maître livre, Vraie et Fausse Réforme dans l'Église (1950), est nourri de sève biblique, de science historique, mais aussi de multiples contacts avec les expériences en cours, qui en font une manière de théorie du réformisme ambiant. Trois ans plus tard, Jalons pour une théologie du laïcat donne au « tiers état » de l'Église une existence conceptuelle. Mais les travaux du père Congar sont depuis longtemps suspects à quelques-uns des théologiens qui font autorité à Rome, car le fil direct qu'ils tissent entre la vie concrète de l'Église et les sources de la foi passe par profits et pertes les raidissements antiprotestant, antilibéral et antimoderniste hérités de la Contre-Réforme. Menacé dès 1939, le théologien dominicain doit quitter le Saulchoir au début de 1954 pour s'expliquer devant le Saint-Office, puis subir l'exil sous surveillance dans un couvent anglais.
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Écrit par
- Étienne FOUILLOUX : professeur des Universités, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lyon-II-Louis-Lumière
Classification
Autres références
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JOURNAL D'UN THÉOLOGIEN. 1946-1956 (Y. Congar)
- Écrit par Christian HERMANSEN
- 1 047 mots
Depuis le décès du frère dominicain Yves Congar (1904-1995), le gros livre réalisé avec l'aide de quelques collaborateurs par Étienne Fouilloux, professeur d'histoire contemporaine à l'université Louis-Lumière-Lyon II, doit être considéré comme un témoignage précieux pour l'historiographie catholique...