GUÉNA YVES (1922-2016)
Énarque de la promotion France combattante – la première de l’institution –, dernier haut-commissaire de la République française en Côte d'Ivoire, député, ministre, sénateur-maire, président du Conseil constitutionnel : la brillante trajectoire d'Yves Guéna le caractérise moins que les deux présidences qu'il assuma au soir de sa longue vie, celles de la fondation de la France libre et de la fondation Charles-de-Gaulle. Pour celui qui avait rallié le chef des Français libres dès le 19 juin 1940, cette petite minorité devenue victorieuse avait été la vie même. En intitulant Le Temps des certitudes(1982) le premier tome de ses mémoires, qui couvrait les années 1940-1969, ce fils d'un secrétaire du Parti radical à Brest a justifié que, à la fin de l'hommage national qui lui fut rendu le 8 mars 2016, le président de la République François Hollande salue en lui un « gaulliste de toujours, gaulliste pour toujours ».
Yves Guéna, né le 6 juillet 1922 à Brest (Finistère), n'a pas dix-huit ans quand il s'embarque vers l'Angleterre pour combattre avec de Gaulle. Ce volontaire se bat en Égypte puis en Libye et en Tunisie. S'il participe à la victoire alliée d'El-Alamein, c'est en Normandie, dans la 2e DB du général Leclerc, qu'il est blessé. La note de 20/20 qu'il obtient au concours de l'ENA au titre de son parcours militaire, lui permet de choisir le Conseil d'État, mais il préfère devenir contrôleur civil au Maroc. Il y contribue au développement du pays dans la ligne imaginée jadis par le maréchal Lyautey. La mère de sa femme ayant épousé le professeur Robert Debré, il partage avec le fils de celui-ci, Michel, le rejet de l'instabilité gouvernementale. Devenu garde des Sceaux en juin 1958, Michel Debré en fait son directeur de cabinet ; à ses côtés, il prépare la Constitution de la Ve République sans saisir que la pratique présidentielle rendra caduc le régime parlementaire.
Élu, à l'automne de 1962, député de Dordogne sous l'étiquette UNR-UDT avec seize voix d'avance, ce gaulliste de gauche fut réélu en mars 1967, comme membre de l'Union des démocrates pour la Ve République, avec plus de mille voix d'écart. Il ne sera battu qu'en juin 1981, par l'avocat Roland Dumas. Nommé ministre des Postes et Télécommunications en avril 1967, il conduisit le développement des réseaux téléphoniques puis affronta les syndicats pendant les événements de mai 1968, qu’il définit comme un « simple spasme » dans la société française. Exerçant fermement la charge de ministre de l'Information du dernier gouvernement Pompidou, du 31 mai au 10 juillet 1968, il a décrit les grévistes de l'ORTF comme des gauchistes privilégiés et leur a choisi un nouveau directeur général pour organiser le licenciement de journalistes éminents. Yves Guéna partageait la vision gaullienne : la télévision, spécialement en matière d'information, devait être pro-gouvernementale. Dans le gouvernement Couve de Murville, Yves Guéna retrouve le ministère des PTT (juillet 1968 – juin 1969) et poursuit le plan « téléphone pour tous ». Ministre des Transports (avril 1973 – février 1974), il soutient le programme Airbus, le développement des TGV et de l'aéroport de Roissy avant d'être, pour un trimestre, ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat. Dernier secrétaire général du parti gaulliste, l'UDR, il est en 1976 le numéro 2 du Rassemblement pour la République fondé par Jacques Chirac. Mais c'est dans sa carrière d'élu local que, devenu conseiller d'État honoraire, il se distingue alors. Reconnaissant pour l'implantation, près de Périgueux, de l'imprimerie des timbres-poste, les électeurs de Dordogne l’ont élu conseiller général (1970-1989), maire de Périgueux (1971-1997) et[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
Classification
Média