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KLEIN YVES (1928-1962)

Yves Klein se consacra au judo avant d'opter pour une carrière artistique. Répudiant l'opposition entre abstraction et figuration, il s'identifia à la monochromie. « Yves le Monochrome », météore apparu au milieu des années 1950, a construit en huit ans une véritable saga – « l'aventure monochrome », ses développements et ses multiples rebondissements. Son œuvre comporte des tableaux, des sculptures ou des objets, mais aussi des manifestations éphémères, des publications ou des déclarations, qui ont contribué à lui accorder une place de choix parmi les rares artistes, tels ses contemporains Andy Warhol ou Joseph Beuys, dont la vie et l'œuvre confondus accèdent aux dimensions du mythe.

Plusieurs épisodes mémorables ponctuent le parcours de Klein : le vernissage de l'exposition « du vide » (28 avril 1958), une conférence en Sorbonne (3 juin 1959), la soirée où furent exécutées les Anthropométries de l'époque bleue (9 mars 1960), le « Saut dans le vide » (octobre 1960), la fondation, avec Pierre Restany, du groupe des Nouveaux Réalistes (27 octobre 1960), ou encore les « Peintures de feu » réalisées au Centre d'essais du Gaz de France (mars 1961) et les cessions de Zones de sensibilité picturale immatérielle organisées en janvier et février 1962. Ce déferlement d'activités fut documenté par l'artiste lui-même. Klein, innovant aussi en cela, a non seulement beaucoup écrit et fait photographier ses actions les plus marquantes, mais il a également commandité des films de plusieurs de ses expositions ou interventions artistiques.

Yves Klein fut terrassé par une crise cardiaque le 6 juin 1962. Son adhésion de jeunesse à la Rosicrucian Society of Oceanside, son goût pour le costume d'apparat de l'ordre des Archers de Saint-Sébastien, dont il fut membre, sa dévotion pour sainte Rita, patronne des causes désespérées, ses poses, ses naïvetés, ses menus mensonges et ses provocations de conquistador avide de reconnaissance ont longtemps contribué à discréditer le sérieux de son œuvre. Toujours controversée, elle s'est pourtant imposée au fil des années. L'audace et la richesse des intuitions qu'elle développe, avec une rigueur toute poétique, forcent l'admiration de ceux qui n'auraient pas été fascinés par le rayonnement des monochromes réalisés avec un bleu auquel le nom de l'artiste est associé.

Faux départ et vrais débuts

Le père d'« Yves le Monochrome », Fred Klein, était un peintre hollandais figuratif. Quant à sa mère, Marie Raymond, niçoise, elle avait acquis une réelle notoriété comme peintre abstrait. Elle recevait lors de ses lundis le Tout-Paris des arts, que le fils de la maison eut ainsi l'occasion de côtoyer – excellente éducation artistique, par imprégnation. Initié au judo à Nice, où il résidait chez sa tante, Yves Klein était décidé à devenir judoka professionnel quand il se rendit au Japon, en 1952, pour acquérir une solide formation. Lorsqu'il revint à Paris, titulaire d'une ceinture noire 4e dan obtenue au très fameux Kōdōkan de Tōkyō, ses démêlés avec la Fédération française de judo anéantirent ses espoirs professionnels. Parti enseigner le judo en Espagne, il élabora à Madrid un livre d'artiste, Yves Peintures (1954) : une suite de planches monochromes de diverses couleurs qui reproduisent, par anticipation, des tableaux encore inexistants.

En 1955, Klein souhaita exposer à Paris un monochrome orange au salon des Réalités nouvelles, dévolu à l'art abstrait. Le comité d'organisation refusa l'œuvre car « une seule couleur unie », cela paraissait insuffisant. Klein organisa alors une exposition, Yves Peintures, dans les salons privés des éditions Lacoste. Il fit à cette occasion la connaissance de Pierre Restany, critique d'art qui devint son mentor[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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