ROCARD YVES (1903-1992)
Fils d’un officier aviateur, Yves Rocard, né le 22 mai 1903 à Vannes (Morbihan), effectua son premier travail de recherche sur la diffusion de la lumière dans les fluides. Ses observations auraient dû le conduire à la découverte de l'effet Raman. Mais l'air du temps ne s'y prêtait pas. D'autres chercheurs, un peu plus tard, allèrent jusqu'au bout des observations et établirent la théorie.
En fait, Yves Rocard avait la fibre mécanicienne. Les mouvements des automobiles (roulis, tangage et pompage), mais aussi le comportement des roues dans les virages, posent des problèmes sérieux. Une catastrophe ferroviaire, en 1933, fit que Raoul Dautry lui demanda de s'intéresser aussi à la stabilité des trains sur leurs rails. Yves Rocard devint ainsi, et restera, un expert internationalement reconnu du bien-aller de tout ce qui se meut sur plus de deux roues.
En 1928, Roger Julia, directeur technique de la Radiotechnique, cherche un physicien pour améliorer la production de « lampes de T.S.F. ». Il engage Yves Rocard qui donne aussitôt sa mesure dans ce domaine nouveau pour lui. Il recommande la fabrication de lampes à chauffage indirect pour éviter le ronflement et met au point la recette de production. Un de ses camarades normaliens, Maurice Ponte, le rejoint à la Radiotechnique. Une amitié fidèle les liera tout au long de leurs carrières.
Du ronflement des triodes aux vibrations des ailes d'avion, il n'est guère de problèmes techniques difficiles de l'actualité industrielle qui n'aient attiré l'attention d'Yves Rocard. L'intérêt qu'il porte en 1938 au couplage mécanique des diverses déformations des ailes sous l'effet des forces de portance le prépare aux études qu'il fera plus tard sur le comportement du tablier d'un pont suspendu, celui de Tancarville.
En 1943, Yves Rocard rejoint la France libre en Angleterre, et met au service des Alliés son expérience d'ingénieur radio et sa connaissance du fonctionnement des radiophares allemands. Puis il s'engage dans la marine des Forces françaises combattantes où il prend la direction du service d'études et de recherches des constructions navales. Il conservera toute sa vie une prédilection pour la marine ! L'après-guerre ramène Yves Rocard à l'École normale supérieure, qu'il trouve en piteux état. Il va y redonner à la physique un élan dont les effets sont encore sensibles, quarante ans plus tard. Habilement, il collecte du matériel et des fonds. Grâce à la marine, il récupère en Allemagne des machines qui permettent aux ateliers de se reconstituer. Il fonde en France une nouvelle discipline, la radioastronomie, en réutilisant, pour observer le Soleil, des anciens radars allemands. Jean-Louis Steinberg et Jean-François Denisse lui apportent leur jeune talent et installent en Sologne, à Nançay, l'une des toutes premières stations radioastronomiques du monde.
Dans ce même temps de l'immédiat après-guerre, une discipline scientifique nouvelle pointe : la physique du solide. Yves Rocard, qui flaire là une percée probable, y engage deux de ses jeunes élèves, Claude Dugas et Pierre Aigrain. Ainsi naît une activité qui essaimera abondamment à partir de l'École normale et vaudra à la France une forte réputation.
Yves Rocard détectera bien d'autres champs d'activité nouveaux. Il encouragera Michel Soutif à implanter un groupe de résonance magnétique. Il saura aussi irriguer toute la physique française en envoyant ses « petits normaliens » dans les laboratoires qu'il jugeait prometteurs.
Le Commissariat à l'énergie atomique est un autre lieu où Yves Rocard donna le meilleur cours à ses talents et à son imagination. Dès 1952, il participa au plus haut niveau à la définition des armes nucléaires françaises. Son apport scientifique dans la détection et la mesure de la puissance des[...]
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Écrit par
- Hubert CURIEN : professeur émérite à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, membre de l'Académie des sciences, ancien ministre
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