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TANGUY YVES (1900-1955)

Le choix de l'exil et l'innommable obsession

En 1941, le couple s'installe dans le Connecticut, et Tanguy ne participe plus que de loin aux activités de la diaspora surréaliste réfugiée à New York durant la Seconde Guerre mondiale. Peu enclin à établir des contacts avec les artistes locaux, il n'exercera pas sur la peinture américaine un rôle aussi important que Masson, Ernst ou Matta. Sans se laisser influencer par les lieux ou les circonstances, et regrettant seulement, dans sa vie ordinaire, l'absence des cafés où, à Paris, il pouvait retrouver ses amis au hasard des rencontres, il continue de peindre des paysages intérieurs qu'il confie au galeriste Pierre Matisse. Le format de ses toiles augmente alors sensiblement, tandis que les éléments épars qui les habitaient tendent à former de complexes appareillages aux silhouettes luisantes (Divisibilité indéfinie, 1942, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo).

Après avoir obtenu, en 1948, la citoyenneté américaine, cet « iconographe de la mélancolie » (James Johnson Sweeney) restera fidèle au seul mouvement surréaliste, même s'il considère que ce dernier, « à proprement parler », a cessé d'exister depuis 1939 ; en 1947, il participera à l'Exposition internationale du surréalisme présentée par la galerie Maeght à Paris. Bridé par les soucis matériels, Tanguy ne reviendra en France, pour la dernière fois, qu'au printemps de 1953. Il meurt subitement le 15 janvier 1955, chez lui, à Woodbury dans le Connecticut.

Dans l'un de ses derniers tableaux, Multiplication des arcs (1954, The Museum of Modern Art, New York), l'espace est entièrement saturé par la prolifération des formes modulaires dont il avait fait son vocabulaire pictural. Si l'on en croit James Thrall Soby, qui publia une monographie sur le peintre peu après sa mort, l'angoisse émanant de cette multitude d'épaves plombées ferait écho à celle de Tanguy lui-même : « Il travaillait à ce tableau comme un possédé, retournant en hâte à son atelier après un déjeuner rapide, alors que d'ordinaire il restait des heures à parler de littérature ou de peinture [...] D'évidence, il sentait que la Multiplication allait être le résumé des désirs et des préoccupations de son existence. » Il reste que l'objet de ces désirs et de ces préoccupations demeure celé. En réunir tous les éléments sur une toile unique n'aurait pas tant eu pour objectif d'assembler les fragments épais d'un message latent – et d'en hâter ainsi l'énonciation – que de consacrer tout à la fois son caractère inexorable, obsessionnel, et l'inviolabilité du langage chargé d'en témoigner.

— Catherine VASSEUR

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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