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BELAVAL YVON (1908-1988)

Yvon Belaval exerce plusieurs métiers (marin, contrôleur des douanes) avant d'être reçu, en 1941, à l'agrégation de philosophie. Professeur au lycée du Mans, puis au lycée Lakanal, il est ensuite détaché au C.N.R.S. (1951-1955) ; chargé de cours, puis maître de conférences aux facultés des lettres de Strasbourg et de Lille, il devient professeur après la soutenance de sa thèse (1960) et est nommé en 1965 à la Sorbonne. Il sera également secrétaire général de l'Institut international de philosophie et vice-président de la Leibniz Gesellschaft.

Le premier livre qu'il ait publié, Le Souci de sincérité (1944), s'achevait par l'invitation faite à l'homme adulte d'abandonner le souci de sincérité pour celui de franchise. La franchise, en tous les sens du mot, sera bien la marque d'une œuvre où un écrivain philosophe, loin des confidences indiscrètes de l'intériorité, s'exprime dans l'expérience originale qu'il fait des choses, des idées et des mots. Tôt éveillé à une curiosité sans frontières, mais venu relativement tard aux études universitaires de philosophie, Yvon Belaval en conservera, sa vie durant, une liberté d'allure et une forme d'attention à la vie des pensées et des langages qui font la singularité de son entreprise. Sans doute, au travers de sa thèse de doctorat (Leibniz critique de Descartes, 1960) et de nombreux articles (dont les plus denses sont regroupés dans les Études leibniziennes, 1976), est-il devenu l'un des plus grands – le plus grand certainement – connaisseurs et interprètes de Leibniz de ces dernières décennies. On aurait tort toutefois de l'enfermer dans un cercle de spécialistes et d'isoler ces livres-là de tous les autres : Belaval était vraiment leibnizien à sa manière, par le rêve fécond d'une encyclopédie où les pouvoirs du langage – de tous les langages – expriment la diversité et l'unité du réel. Telle était en lui ce qu'il a appelé « la passion qui nous a fait choisir un philosophe pour être notre vérité ». A-t-il hésité, au moment où ce choix mûrissait en lui, entre Leibniz et Diderot, auquel à certains égards il ressemblait et qui lui a inspiré un de ses plus beaux livres (L'Esthétique sans paradoxes de Diderot, 1950) ? Peut-être, mais sans doute deux motifs l'ont-ils incliné plutôt vers le philosophe de Hanovre : le goût pour l'inspiration mathématique de sa philosophie combinée à l'ampleur poétique de son architecture – et, plus secrètement, une adhésion éthique à son irénisme rationnel.

C'est dans Les Philosophes et leur langage que réside la clé de l'attitude originale prise par Yvon Belaval à l'égard des textes philosophiques. Le langage philosophique ne peut être mis à l'épreuve ni de l'observation des faits, ni des règles opératoires des mathématiques. Que lui reste-t-il : « Des idées. Et qu'est-ce qu'une idée ? Un projet de discours possibles. » Si l'usage vide du langage, le verbalisme, se laisse reconnaître comme un « manque à créer », sa réussite est dans l'acte qui rend contemporaines l'une de l'autre l'invention de l'idée et sa dénomination. La lecture des œuvres philosophiques relève en ce sens d'une « esthétique des concepts ». On peut alors se risquer à suggérer que Belaval a lu Descartes et Leibniz (pour Diderot, la chose paraît moins paradoxale) en critique littéraire, si l'on veut bien entendre par là l'exercice rigoureux conduit selon les règles de la méthode que Jean Paulhan avait fournies dans Les Fleurs de Tarbes. Ainsi pourrions-nous, toutes choses égales, appliquer à Belaval lui-même ce qu'il a écrit de l'évolution de Leibniz : « Une telle constante dans l'orientation une fois prise rappelle, s'il en était besoin,[...]

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  • HEURISTIQUE

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    ...une interprétation psychologiste. On voit, en particulier chez Descartes, s'opérer une véritable transformation dans l'idée de méthode de découverte. Yvon Belaval a montré en quoi la méthode cartésienne, tout en se révélant plus que celles qui l'ont précédées une « propédeutique de créateur », bouleverse...