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BRÉMOND D'ARS YVONNE DE (1894-1976)

«  Antiquaire, décoratrice, femme de lettres », Yvonne de Brémond d'Ars aura à sa manière participé à ce véritable phénomène social qu'est depuis l'après-guerre moins l'extraordinaire développement du goût de l'ancien que l'accès de générations et de classes nouvelles à l'objet d'art. Delly, Hector Malot ou Exbrayat (toutes comparaisons flatteuses) des amateurs, elle aura dans les dix-neuf tomes du Journal d'une antiquaire (Hachette, Paris, 1963-1976) presque créé un genre nouveau : le roman policier, sentimental et d'aventures sur les thèmes désormais prisés du public des « curiosités et antiquités ».

Yvonne de Brémond d'Ars est née à Nantes ; fille du comte Josias de Brémond d'Ars, elle appartient à une noble lignée. En choisissant à dix-neuf ans de devenir antiquaire et de travailler, ce qui était à l'époque pour une jeune fille du monde signe d'originalité, de volonté et de tempérament, elle ouvrit la voie à de nombreuses vocations. Mais comment ne pas céder quand « l'âme des vieux greniers vous a livré dès l'enfance ses mystères, quand Pierre de Nolhac vous racontait sur ses genoux l'histoire de France (Le Métier d'antiquaire, 1963), quand collectionneurs et grands marchands familiers du salon paternel instruisent la petite fille. Quel beau métier du reste ! Ne faut-il pas être expert comme le savant, courageux comme l'explorateur, riche de foi comme le missionnaire et puis surtout « être et rester jeune » ; ses adeptes, « éternels étudiants », iront de découvertes en découvertes.

Les Cousins Pons « nouvelle vague » découvriront bien un jour de vraies chairs de Boucher sous de pudiques repeints, rencontreront d'étonnants maniaques et sûrement un amateur d'horloges s'évertuant à les faire sonner toutes ensemble ; on fera la connaissance de braves et vilaines gens ; on se trompera, mais on ne trompera pas, on sera le plus souvent complice de ses clients quand ils ne sont pas d'affreux nouveaux riches sans sensibilité ; mais dans ce cas ils ne conserveront pas les objets qu'il faut savoir aimer, et l'antiquaire aura bien l'occasion de les retrouver un jour ou l'autre ; du reste, l'âge et le succès venant, on se gardera les plus belles pièces, quitte à pleurer s'il faut vendre quand même ; enfin on vivra vieux et jeune, car « la recherche conserve une âme jeune », et « être antiquaire, c'est le bonheur, c'est la liberté, c'est le plus beau des métiers ». « Mademoiselle », dénomination qui suffisait à Yvonne de Brémond d'Ars, sut faire de son magasin un des lieux les plus courus de Paris.

Avec elle et grâce aux concours de vitrines qu'elle organisait chaque printemps sur un thème différent avec les autres boutiques du faubourg Saint-Honoré, « l'artère la plus élégante de la capitale » devenait une rue populaire. Naturellement, ses « compositions », comme Le Petit Grenier, en 1957, qui réunissait des jouets royaux, La Belle au bois dormant, etc., triomphaient. Si l'étalagiste est « un être qui se délivre d'un rêve en l'édifiant sur une estrade », Mademoiselle fit certainement rêver les passants. « Entreprise de féerie », le 20 de la rue du faubourg Saint-Honoré connut le succès réservé au moment de Noël aux devantures des grands magasins.

Comme ses vitrines, ses livres s'ingénient à construire une atmosphère autour des objets du commerce. Ils content chaque fois les tribulations d'un meuble, mais aussi les influences qu'il peut exercer sur les êtres qui s'y intéressent. Après de nombreuses péripéties, la conclusion est généralement heureuse : familles réconciliées, fortunes recouvrées, amours conquises et partagées.

Ainsi, dans Le Cadeau du roi (1975) un surtout de vermeil[...]

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