PRINTEMPS YVONNE (1894-1977)
Nulle artiste n'a, mieux qu'Yvonne Printemps, justifié son pseudonyme. Jusqu'à la fin de sa vie, ou peu s'en faut, elle a eu la voix délicieusement timbrée : une voix si rare, en vérité, que même le cri donnait dans sa gorge l'illusion d'un simple sforzando émaillant un air d'opéra. Aucune de ses nombreuses photographies ne donne une idée précise de son charme, ni de sa spontanéité. Trop visiblement « posés », tous ces portraits nous montrent Yvonne Printemps appliquée à sourire, l'œil au ciel ou en coulisse, l'attitude étudiée, le geste précieux. Certaines afféteries, assurément suggérées par le photographe, font d'elle, parfois, une bergère d'opéra-comique ou une héroïne de bande dessinée – alors qu'en scène, elle était sans apprêt visible, sans « métier » apparent ; selon le mot de Chopin, « un dernier effort chasse jusqu'à la trace de l'effort ».
Yvonne Printemps est née à Ermont-Eaubonne (Seine-et-Oise), quatrième et dernière enfant de parents qu'une homonymie quasi totale – Léon Wigniolle et Palmyre Vignolle – prédisposait à s'épouser. En revanche, rien, dans sa famille sérieuse, n'incitait Yvonne à faire du théâtre. Elle n'en débute pas moins au music-hall dès sa quinzième année (Cigale, Folies-Bergère, etc.), dans des rôles d'enfant. Deux ans plus tard, son extraordinaire faculté d'imitation et de travesti la conduit aux Capucines, à l'Olympia et à la Gaîté-Lyrique.
Pourquoi Yvonne Printemps, ce rossignol, refuse-t-elle de se laisser encager à l'Opéra-Comique, où elle aurait accompli une carrière de la plus rare qualité ? Toujours est-il qu'en 1915, elle joue au Palais-Royal une revue de Rip. Sacha Guitry l'y remarque. Il lui fait jouer Jean de La Fontaine, l'épouse en 1919 et en fait, jusqu'en 1932, date de leur séparation, la vedette d'une trentaine de chefs-d'œuvre, parmi lesquels Deburau, Je t'aime, Jacqueline, Désiré, Mozart, L'Amour masqué, etc. À partir de 1932, Yvonne Printemps devient la compagne de Pierre Fresnay, avec qui elle a créé Franz Hals. Elle joue l'opérette, à Londres, avec Noël Coward, revient à Paris, change d'emploi, se fait acclamer dans des pièces de Henry Bernstein, d'Édouard Bourdet, de Marcel Achard... De 1937 à 1952, elle paraît au côté de Fresnay dans Trois Valses, Auprès de ma blonde, Le Moulin de la Galette. Son dernier rôle, elle le trouve dans Hyménée, où, dans un paradoxal emploi d'infirme, elle bouleverse tout Paris. Entre 1934 et 1951, elle tourne huit films : La Valse de Paris (Marcel Achard, 1949) est, sans doute, le meilleur.
À partir de 1937, elle dirige le théâtre de la Michodière.
Comment cerner le talent d'une artiste protéiforme ? Yvonne Printemps a abordé tous les genres avec un égal succès – pantomime, danse, opérette, drame, chant. « Les contrastes de sa nature – violence et tendresse, volonté et irrésolution, rigueur et fantaisie – tout cela, la comédienne le met au service de ses personnages » (Albert Dubeux). Impossible de citer un rôle où elle fut inférieure à sa légende.
Il faut évoquer enfin, sa voix, qui est un miracle et un mystère. « Voix de falcon », avait décrété Reynaldo Hahn : un grave moelleux, un aigu semblable à celui d'un oiseau des cimes. « Voix d'argent », parce qu'elle semblait avoir, de l'argent, l'éclat adouci, le tintement profond qui s'arrondit en des pâleurs de perles. Que n'a-t-elle chanté davantage ? Un perpétuel embarras du choix la rendait anxieuse. Jouant la comédie avec une voix mélodieuse, elle ne chantait si bien certaines mélodies que parce qu'elle les jouait à merveille. Ces deux aspects de son art demeurent inséparables.
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Écrit par
- Bernard GAVOTY : membre de l'Institut (Académie des beaux-arts)
Classification
Médias