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ZARZUELA

Naissance de la zarzuela

Dans les bois qui entouraient alors Madrid, les Habsbourg d'Espagne avaient fait construire un pavillon de chasse qui deviendra un palais, le Palacio de la Zarzuela, nommé ainsi d'après le mot espagnol zarza, qui signifie « ronce », les bosquets de cette résidence champêtre étant envahis de ronces. C'est là, au xviie siècle, sous le règne de Philippe IV d'Espagne (roi de 1621 à 1665), que va se développer une forme de divertissement de cour calquée sur ce qui est alors en vogue dans les cours d'Europe, et dans lequel le texte, la musique instrumentale, le chant, la danse et les machineries sont étroitement associés. Ces « fiestas de la Zarzuela » connaissent un succès immédiat et s'étendent rapidement à toute l'Espagne, les théâtres des principales villes du royaume contribuant à nourrir le répertoire du genre que l'on identifie par le lieu de sa naissance officielle en le baptisant « zarzuela ».

Au xviie siècle, cependant, la musique est encore le parent pauvre des arts. Dans les pièces de Lope de Vega, par exemple, elle ne sert qu'à créer une atmosphère. Son rôle est principalement descriptif : bergers chantant une copla, duègne ou servante murmurant une ballade pour calmer les chagrins de leur maîtresse, chœur de paysans ouvrant la fête de la nuit de la saint Jean. Chez Lope de Vega, on trouve des combinaisons de chants, de musique instrumentale et de danses dans des comédies comme El maestro de danzar, qui peut être considérée, au même titre que La Selva sin amor, comme un des premiers embryons d'opéra espagnol. Près de vingt ans s'écouleront après La Selva sin amor avant que Calderón, devenu après la mort de Lope de Vega, en 1635, le maître de la scène espagnole, tentât à son tour d'unir le drame à la musique. En 1657, Philippe IV a un fils, Felipe Próspero, de son second mariage. En l'honneur de cet événement, Calderón écrit El laurel de Apolo (« Le Laurier d'Apollon »), pièce en deux actes qu'il qualifie de zarzuela, et dont la musique est attribuée à Juan Hidalgo (1614-1685) ; dans une loa (préambule qui était parfois chanté), Calderón présente au public sa comédie musicale, qui sera pour la première fois représentée au début de 1658. La zarzuela va dès lors connaître un essor rapide dans le monde hispanique.

Les zarzuelas comportent des dialogues parlés aussi bien que de la musique, de la danse aussi bien que du chant, et elles impliquent souvent une participation du public. Dans El laurel de Apolo, on trouve une pièce qui va devenir typique du genre zarzuela, la jácara, ballade tonitruante chantée dans le dialecte local par un ou plusieurs comédiens dispersés à la périphérie de la salle et non pas sur la scène. Le public raffole de ces pièces brèves – de dix à quinze minutes pour deux cents vers environ –, très gaies, exubérantes. La jácara est importante dans l'histoire de la musique et du théâtre espagnols, car elle est l'ancêtre de la tonadilla – sorte d'opéra-comique miniature faisant office d'interlude –, qui apparaîtra au xviiie siècle.

L'opéra espagnol et la zarzuela sont l'un et l'autre nés, au xviie siècle, au sein de l'aristocratie, avant de conquérir le grand public. Il existe cependant une différence fondamentale entre ces deux genres : l'opéra est issu de la Renaissance italienne, et répond à un idéal esthétique élaboré et raffiné ; la zarzuela surgit un peu par hasard, et ne répond pas le moins du monde à un plan préconçu, texte, danses, chœurs et airs s'enchaînant de manière plutôt anarchique.

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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Tomás Bretón - crédits : AKG-images

Tomás Bretón

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