ZARZUELA
Épanouissement de la zarzuela
Pendant la première moitié du xviiie siècle, la zarzuela n'évolue pas de manière significative ; elle commence même par régresser, reculant devant la triomphale invasion de l'opéra italien, favorisé par l'arrivée, sur le trône d'Espagne, du Bourbon Philippe V (roi de 1700 à 1746). Beaucoup de zarzuelas portent le nom de « zarzuelas a la italiana », comme Acis y Galatea d'Antonio de Literes (1708) ou Eurotas y Diana de José San Juan (vers 1720).
La zarzuela va resurgir grâce au dramaturge et librettiste Ramón de la Cruz (1731-1794), qui va en infléchir la nature. Ramón de la Cruz, grand historien de la vie sociale et de la culture espagnoles, compagnon de Goya, est un aristocrate aux aspirations démocratiques : il a compris que la vraie force de l'Espagne réside dans ses classes populaires ; il n'est cependant pas révolutionnaire et ne cherche pas à flatter les masses. Conscient de ses limites de dramaturge, il s'oriente vers le réalisme, l'humour, la satire. Alors que d'autres voulaient envoyer Lope de Vega et Calderón aux oubliettes, Ramón de la Cruz va au contraire s'attacher à faire revivre l'ancienne tradition espagnole, en rajeunissant et en amplifiant de petites scènes, donnant naissance à de très nombreuses comedias, tonadillas, sainetes et, surtout, vingt-sept zarzuelas. C'est véritablement Ramón de la Cruz qui va rénover la zarzuela.
Le compositeur Antonio Rodríguez de Hita devient le proche de Ramón de la Cruz. Ils élaborent ensemble une zarzuela heróica, La Briseida, créée le 10 juillet 1768 à Madrid, dans le palais du comte Aranda, reprise triomphalement le lendemain au Teatro del Príncipe ; cette zarzuela constitue un jalon à deux titres : si l'influence de l'opéra italien est encore manifeste, sa musique intègre une majorité d'éléments espagnols et son texte est en castillan, ce qui marque une rupture avec l'hégémonie des opéras en italien ; autre fait important, le spectacle du 11 juillet au Teatro del Príncipe semble être la première représentation jamais donnée en soirée dans un théâtre public espagnol. La même année 1768, Ramón de la Cruz et Rodríguez de Hita obtiennent un succès encore plus grand avec Las segadoras de Vallecas (« Les Moissonneuses de Vallecas », Teatro del Príncipe, 3 septembre), zarzuela burlesca pleine de chants populaires et de saveur rustique, qui, selon le musicologue Pablo Galonce, « révolutionne la zarzuela comme Gluck et son librettiste Ranieri de Calzabigi l'ont fait en 1762 dans le domaine de l'opéra italien avec Orfeo ed Euridice ». L'année suivante, Ramón de la Cruz et Rodríguez de Hita donnent véritablement leur chef-d'œuvre, Las Labradoras de Murcia (« Les Fermières de Murcie », Teatro del Príncipe, 16 septembre 1769), qui n'a rien perdu de son intérêt aujourd'hui, par son évocation du petit peuple de l'Espagne de la fin du xviiie siècle. L'action se situe dans le milieu de l'élevage du ver à soie dans la province de Murcie, aux traditions populaires tenaces ; les travailleurs jouent de leurs instruments régionaux et chantent en chœur pour empêcher les vers à soie d'entendre le tonnerre, dont le bruit, selon une vieille croyance, leur cause beaucoup de mal.
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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Médias
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