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ZARZUELA

La zarzuela aux XIXe et XXe siècles

La première moitié du xixe siècle est sombre pour l'Espagne, appauvrie par les conflits et les luttes politiques : guerre d'indépendance, règnes ou régence remis en cause par des guerres civiles, république éphémère, soulèvement des colonies d'Amérique, qui coûtent très cher... Durant les premières années du siècle, Joseph Bonaparte tente, sans succès, d'implanter l'opéra-comique français en Espagne. Pendant le règne de Ferdinand VII (1808-1833), l'influence de Rossini prédomine, et les opéras espagnols s'italianisent ; les livrets sont systématiquement écrits en italien jusqu'au début des années 1840.

Certains compositeurs, cependant, veulent créer un opéra national espagnol. La lutte fait rage dans les milieux littéraires et musicaux entre les tenants de l'italianisme et ceux qui, avec le compositeur et musicologue Francisco Asenjo Barbieri, souhaitent un retour aux zarzuelas et aux tonadillas nationales. Ces théories nationalistes suscitent un nouveau type de zarzuela, la zarzuela grande, ouvrage en trois actes – au lieu de deux pour les zarzuelas traditionnelles – qui occupe généralement toute une soirée et qui cherche à rivaliser avec l'opéra italien. Ce n'est évidemment pas par hasard si ce retour intervient après le retrait des troupes d'occupation napoléoniennes, en 1814, la nation s'étant levée tout entière pour se défendre. La zarzuela ne se limite plus cette fois à la cour ni même aux grandes villes : elle devient le théâtre de tout un peuple. Barbieri s'affirme comme l'un des plus grands compositeurs de zarzuela du xixe siècle : il en a écrit plus de soixante-dix, parmi lesquelles Jugar con fuego (1851), Pan y toros (1864) et El barberillo de Lavapiés (1874) sont devenues des classiques du répertoire. C'est grâce à Barbieri que la ville de Madrid fera construire en 1856 un théâtre exclusivement réservé à ce genre, El Teatro de la Zarzuela. Joaquín Gaztambide, José Inzenga, Rafael Hernando, Cristóbal Oudrid, Luis de Olona et Francisco L. Salas avaient fondé en 1851 une Sociedad Artística qui avait loué le Teatro de Circo de Madrid pour y produire une saison zarzuelas. Sous l'influence de Barbieri, la zarzuela s'italianise musicalement mais s'inspire pour sa forme et son intrigue de l'opéra-comique français ; beaucoup de livrets sont d'ailleurs des démarquages d'œuvres françaises : El valle de Andorra (1852) et Catalina (1854) de Gaztambide sont ainsi fondés sur les opéras-comiques Le Val d'Andorre de Fromental Halévy et L'Étoile du Nord de Giacomo Meyerbeer, Los diamantes de la corona de Barbieri (1854) sur Les Diamants de la couronne de Daniel François Esprit Auber, ¡Si yo fuera rey ! de José Inzenga (1862) sur Si j'étais roi d'Adolphe Adam... Certaines zarzuelas s'inspirent ouvertement d'opéras italiens, comme Un día de reinado (1854) de Gaztambide (d'après Un giorno di regno de Verdi).

Dans la seconde moitié du xixe et au commencement du xxe siècle, de très nombreux compositeurs et librettistes espagnols vont se spécialiser dans cette forme de drame lyrique national. Il faut citer Tomás Bretón (1850-1923) – dont La Verbena de la Paloma (1894), en un acte, est devenue la plus populaire des zarzuelas, et la zarzuela grande La Dolores (1895) un opéra-comique national – et Ruperto Chapí (1851-1909) – auteur de La Tempestad (1882), de La Bruja (1887), d'El Rey que rabió (1891), d'El Tambor de granaderos (1894), de La Revoltosa (1897). Une forme courte de zarzuela – le género chico – s'épanouit après la révolution de septembre 1868 (la Gloriosa).

Tomás Bretón - crédits : AKG-images

Tomás Bretón

<it>La Verbena de la paloma</it> - crédits : AKG-images

La Verbena de la paloma

Pendant la première moitié du xxe siècle, l'Espagne compte encore de nombreux compositeurs de zarzuelas. Parmi les plus célèbres de celles-ci, citons [...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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Tomás Bretón - crédits : AKG-images

Tomás Bretón

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