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HERBERT ZBIGNIEW (1924-1998)

Le poète polonais Zbigniew Herbert est originaire de Lwow (aujourd'hui en Ukraine). On lui doit dix recueils de poèmes, quelques pièces de théâtre ou radiophoniques (Pièces, 1970), deux recueils d'essais sur des thèmes aussi divers que Lascaux ou la peinture hollandaise.

Resté fidèle à ses idéaux de soldat de la résistance non communiste, Zbigniew Herbert refuse d'accepter le régime imposé par les Soviétiques en 1945, ce qui lui vaut des débuts retardés puisqu'il ne publie son premier recueil Corde de lumière qu'en 1956. Suivront Hermès, le chien et l'étoile (1957), Étude d'objet (1961), Inscription (1969). Herbert a toujours considéré le communisme comme un totalitarisme aussi nuisible que le nazisme. Le public polonais lui en sait gré, et le poète en reçoit une reconnaissance éclatante quand, déjà célèbre, il met tout son prestige dans la lutte contre le régime du général Jaruzelski et publie à Paris en 1983 son recueil Rapport de la ville assiégée.

Herbert, qui craignait dans ses poèmes d'être surpris par la mort, a longuement préparé son départ. Sans se départir de son ironie, il fait des adieux feutrés en 1997 dans un dernier recueil intitulé Épilogue de l'orage, faisant suite à une fausse sortie – Élégie pour le départ (1990) où se trouve un poème dont le titre complet, « Élégie pour le départ de la plume, de l'encre et de la lampe », révèle le jeu du poète : avant de prendre congé de ce monde, il se tourne une dernière fois vers les objets disparus de son enfance. Au printemps de 1998, il publie une anthologie personnelle intitulée 89 Poèmes, suggestion de lecture portant sur l'ensemble de son œuvre.

Étonnant Polonais, Herbert aime le juste milieu et se méfie des élans romantiques. Sa poésie savante mais très laconique est pleine d'allusions non seulement à des thèmes polonais mais aussi à des philosophes et à des artistes de la tradition occidentale. Il revendique son appartenance – et celle de la culture polonaise – à la culture méditerranéenne et à la tradition cartésienne, telle qu'elle s'exprime poétiquement chez Valéry, Michaux et Ponge. Avec son Monsieur Cogito (1974), il crée un narrateur lyrique qui lui permet de conserver une distance ironique, rare en poésie. Monsieur Cogito est aussi l'héritier des confins orientaux de l'ancienne République de Pologne, où les religions catholique, orthodoxe et juive se côtoyaient, où la Russie était une puissance menaçante mais au génie fascinant. Son rationalisme est donc tempéré par une sorte d'obstination du cœur.

Ce poète slave atteint à l'universel par le savant dosage de la lumière grecque et de la sensibilité judéo-chrétienne. On trouve chez lui l'alliance du beau et du bon que revendiquait Cyprian Norwid, la compassion pour toute souffrance sans laquelle le beau n'a pas de sens, le beau sans lequel le vrai est inutile. De fait, « l'imagination [de Monsieur Cogito] a le mouvement précis d'un balancier qui va d'une souffrance à une autre ». Auteur d'une thèse sur L'Aspect esthétique des systèmes philosophiques, Herbert met en scène, dans un poème, une rencontre entre Dieu et Spinoza où Dieu félicite le philosophe non pour la vérité qu'il recherche mais pour la beauté de « son latin géométrique » et attire son attention sur les « choses vraiment grandes » : une « fleur dans les cheveux », « la femme qui te donnera un enfant ». Pour Herbert, ne pas se compromettre avec le régime communiste était donc – encore plus qu'une preuve de force morale – une « affaire de goût ».

Ironie, méfiance à l'égard des slogans ronflants, intégrité morale et beauté, l'équilibre que défend Herbert est l'essentiel de la culture, ce qu'il faut sauver face à la barbarie.

— Hélène WLODARCZYK[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

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  • POLOGNE

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    • 44 233 mots
    • 27 médias
    Des auteurs qui avaient refusé de s'engager firent des débuts retardés après 1956. Le poète, dramaturge, essayiste et critique d'art, Zbigniew Herbert (1924-1998) a recours – dans ses vers même – à un narrateur, « Monsieur Cogito », pour peindre avec ironie le drame de l'homme du ...