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ZEN

La faveur croissante, à l'aloi douteux, dont jouit en Occident depuis la Seconde Guerre mondiale un produit d'importation scellé de l'énigmatique étiquette « zen », ne saurait faire négliger par son étrangeté le déploiement original d'un ancien mode de vivre et de penser connu sous le nom de chan.

Le chan est un fruit bouddhiste de la Chine, c'est-à-dire le résultat d'une assimilation par ce grand corps pansu apte à tout avaler, à tout digérer et à tout siniser, plutôt qu'une forme adaptée du bouddhisme indien sous laquelle, en grattant quelque peu, on pourrait reconnaître les traits génériques remodelés par une culture qui s'y serait accordée. De tels traits certes sont visibles, mais il semble bien que le génie chinois en ait usé comme de données historiquement référées, comme d'éléments au sein d'un métabolisme. Et ce métabolisme est foncièrement chinois.

Après une expansion considérable et plusieurs fois séculaire suivie d'un déclin progressif nettement accusé au cours du xixe siècle, le chan est aujourd'hui éteint en Chine. Son dernier maître notable, Xu Yun, disparut en 1959.

L'entrée véritable du chan au Japon, sous le nom de zen, date du xiie siècle. Contrairement à une opinion répandue, il n'y prospère pas ; il y survit.

La translation et l'adaptation du chan au Japon ont conféré à l'école un style et des mœurs qu'elle conserve encore, tandis que se poursuivait en Chine, jusqu'à son extinction, la transmission d'une vision du monde, d'une éthique et surtout d'une propédeutique qui, tout en gardant intacte leur vigueur initiale, n'ont guère subi de modifications remarquables depuis leur âge d'or, l'époque Tang. Cette époque (viie-ixe s.) fut celle de la suprématie de l'école dite du Sud, ou « subitiste » (cf. infra), éminemment représentée par le sixième et dernier patriarche du chan, Huineng (638-713), et par l'élève et porte-parole de celui-ci, Shenhui, auquel les philologues tendent à attribuer la paternité du texte le plus illustre du bouddhisme chinois, le Tan jing ou « sūtra de l'Estrade », suite de causeries doctrinales prononcées par Huineng. Alors que périclitait l'école du Nord, principalement représentée par Shenxiu, peut-être condisciple et rival de Huineng, l'école du Sud brillait et étendait sa renommée dans l'Empire grâce à l'opiniâtreté et à l'influence des lignées de grands maîtres : celles de Huangbo, Mazu, Bozhang, Linji, pour ne citer que les plus remarquables. Néanmoins, ces maîtres furent grands par leur rayonnement, par leur rigueur, par la façon, étonnante à nos yeux, dont ils perpétuèrent l'enseignement, plus que par des contributions doctrinales inédites. La raison de cette fixité, qui passerait facilement pour une stagnation, est simple : si le chan exige de ses maîtres et de ses disciples un constant ressourcement – et un ressourcement vécu sans quoi il périt –, il n'a point d'autre part de destin historique interne. Doté d'une chronologie qui l'ordonne à l'histoire de la Chine, il se veut non historique par sa problématique, comme le sont comparablement la dialectique de l'être selon Parménide ou, plus près de nous, la théologie apophatique des Mystiques rhénans, la pratique de la contemplation obscure chez Jean de la Croix ou chez l'auteur ignoré du Nuage d'inconnaissance. Pareille ressemblance – par absence et inutilité d'un devenir théorique – ne permet pas pour autant de pousser à l'excès le rapprochement entre la « façon d'être » du chan et les pratiques ou exercices spirituels connus dans l'Occident chrétien. Un souci de rencontre, par maints aspects explicable, n'a que trop poussé des commentateurs et propagateurs contemporains à découvrir, sous couleur de[...]

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  • : fondateur d'Encyclopædia Universalis et directeur de la première édition

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