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ZEN

Le terme proche

Depuis la prédication initiale du parc des Gazelles, le bouddhisme se caractérise non par une promesse de salut, puisqu'il nie l'existence d'une âme individuelle (anātman), mais par l'éclairage qu'il porte sur le problème humain premier, et accablant, de la souffrance. Également irrécusable pour lui est l'évidence qu'il n'y a à ce problème aucune solution intellectuelle. En forçant à peine les choses, on pourrait dire qu'il se propose d'abord comme mise en lumière d'un syndrome congénital, comme étiologie de ce syndrome et comme pronostic ; ensuite – et c'est l'essentiel de son contenu – comme thérapie conditionnelle du pronostic. Cette interprétation simplette des Cattāri Ariyasaccāni (quatre « nobles vérités ») a l'avantage de montrer que le bouddhisme tire sa problématique du vécu biologique, historico-social, psychologique et existentiel ; de nul autre monde que l'empirique. Tout commence par là, et tout aboutit au remède ; mais à un remède très singulier, on le verra. L'inconvénient de cette même interprétation – fidèle, au demeurant, aux Écritures – est de laisser supposer une même universalité au mal et au remède ; de donner à croire qu'au réseau de la souffrance qui recouvre le monde et semble enserrer les êtres vivants dans la multitude de ses mailles correspondent une voie, des moyens de délivrance non moins visibles et accessibles. Ce n'est point le cas. Et l'erreur provient de ce que dans cette formulation, l'universalité de la souffrance étant constatée, on fait de celle-ci, sans y prendre garde, une essence, imprimée en quelque sorte en tous les existants doués de sens, présents, passés et à venir. De là à opposer à une essence une autre essence, celle du remède, il n'y a qu'un pas très logiquement franchi. Or, pour le bouddhisme, il n'y a ni ciel intelligible, ni transcendance aux sens où nous l'entendons, ni essences subsistant de quelque manière que ce soit : la souffrance est un vécu, sécrété par qui l'éprouve, de mainte façon et en mainte circonstance, mais par là même un fait. C'est ce fait qu'affronte le bouddhisme, et non l'idée. Et ce fait est ressenti, expérimenté par des individus, fussent-ils collectivement frappés par les mêmes désastres, par les mêmes déchirements. C'est, peut-on dire en première approximation, dans la relation de lui-même à lui-même, au sein du monde perçu et du monde pensé, que se situe pour l'individu la racine de la souffrance. Dans cette relation aussi gît, concomitante, la possible solution, c'est-à-dire dans ce que l'on peut provisoirement nommer un mode d'être ; et dans le bouleversement total dont ce mode est susceptible – l'être se révélant à la fois source, instrument, matériau et produit d'un tel bouleversement.

À des yeux occidentaux, pareille proposition passera pour délire ontologique et, pire, pour l'un de ces vains jeux verbaux que le bouddhisme prétend en toute occasion dénoncer. Nous avons parlé plus haut d'approximation. Quoiqu'il ait suscité tout au long de son histoire une accumulation de traités, de gloses et de gloses des gloses, le bouddhisme n'attache à ses textes, même révérés, même réputés sacrés et dotés d'efficace, qu'une importance médiate. On verra par l'étude du chan ce qu'il peut en advenir lorsque la suspension du discours logique, voire l'élusion du langage, sont portées à leur extrême. Le bouddhisme reste inflexiblement fidèle à son propos une fois dépassées les premières approches idéelles, pour lui idolâtres. Mais il lui faut bien pour s'annoncer passer d'abord par le procédé ordinaire de communication. D'où l'apparente contradiction qu'il y a dans l'usage et la manipulation, en quelque sorte introductoire, des concepts. Que l'on ne s'étonne pas outre[...]

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  • : fondateur d'Encyclopædia Universalis et directeur de la première édition

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