SHALEV ZERUYA (1959- )
Poétesse et romancière née le 13 mai 1959 au Kibbutz Kinneret (Israël), Zeruya Shalev appartient à une famille de lettrés. Son père, Mordekhaï Shalev, est un penseur et critique littéraire. Son oncle était le poète et écrivain Yitzhak Shalev, lui-même père de l’écrivain Meir Shalev, et son frère, Aner, est également écrivain. Zeruya Shalev fait des études de langue et littérature biblique à l’université hébraïque de Jérusalem et travaille tout d’abord comme lectrice et éditrice dans une maison d’édition. C’est à l’âge de dix-sept ans qu’elle publie son premier poème dans le supplément littéraire du journal Haaretz. En 1988 paraît un recueil de poésie, Une bonne cible pour les francs-tireurs. On y trouve en germe la poétique et les thématiques caractéristiques de l’œuvre à venir : une narratrice fragile qui vit dans un monde cauchemardesque, des textes qui oscillent entre hallucination et réalité, entre le personnage de l’amant et celui du père.
Destruction de la maison
Zeruya Shalev décrit ainsi son passage de la poésie à la prose : « J’étais certaine que je n’écrirais que de la poésie, mais la prose a surgi de l’intérieur… Cela a été un parcours passionnant dont j’ignorais comment il s’achèverait… » Son premier roman, J’étais là, dansant (1993, inédit en français) est une œuvre postmoderne où l’auteure fait une description proche du fantastique, à la fois grotesque et audacieuse, d’une femme dont la vie conjugale et amoureuse est sur le point de s’effondrer et qui a été privée de sa fille. Or il s’avère que cette réalité qui s’effiloche n’est rien d’autre que le désir de l’héroïne d’extérioriser totalement son monde intérieur. Dès lors, les frontières entre langage et réalité, images et objets, angoisses et monde extérieur, semblent disparaître.
Comme dans sa poésie, Zeruya Shalev insère dans sa prose un hébreu familier et des descriptions « vivantes », parfois même violentes, d’une sexualité brutale, et emploie des notions relevant du monde biblique, en particulier l’image récurrente de l’anéantissement de la maison. C’est là le thème fondateur de ses romans : Vie amoureuse (1997), Mari et femme (2001), Thèra(2005), Ce qui reste de nos vies (2011), où dominent tant les destructions individuelles que les processus de désintégration de vies conjugales et familiales vécues par ses héroïnes.
On peut lire les romans de Zeruya Shalev comme des intrigues successives qui se chevauchent les unes les autres : Vie amoureuse fait le récit de la passion de Ya‘ara, une femme mariée, pour celui qui fut l’amant de sa mère ; Mari et femme relate la séparation d’un couple marié à la suite de la maladie du mari ; Thèratraite également d’une séparation, d’un divorce et de la tentative de créer une nouvelle famille. Ce qui reste de nos vies évoque la mort de la mère, la désintégration du noyau familial et l’adoption d’un enfant censé réparer la destruction de la maison.
Il s’agit apparemment de quatre romans réalistes, écrits dans une veine moderniste. Les intrigues bien réglées renvoient à des thèmes littéraires connus dont celui, central, de la décomposition de la famille bourgeoise. Même les scènes de sexe, crues et osées, se déroulent dans ce cadre. De plus, elles se réfèrent de toute évidence à la psychanalyse : la fille qui cherche dans son amant d’âge mûr la figure paternelle, la centralité de la maison parentale et la fonction du « récit du mariage » des parents chez la fille parvenue à maturité. Zeruya Shalev fait appel aux sources romanesques européennes mais aussi à Samuel Joseph Agnon (écrivain israélien prix Nobel de littérature en 1966) et à sa célèbre longue nouvelle, À la fleur de l’âge. Dans le même temps, bien que la romancière ait abandonné le style échevelé de son premier ouvrage J’étais[...]
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Écrit par
- Michèle TAUBER : professeure des Universités en littérature hébraïque moderne et contemporaine
Classification
Média