Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ZHAO SHULI (1906-1970)

Une tragédie exemplaire

Toutefois, l'œuvre de Zhao Shuli révèle une contradiction entre l'utilisation d'un langage politique conventionnel, associée à une foi apparente dans le pouvoir qu'aurait la loi de changer les mentalités, et une proximité réelle, teintée de scepticisme, avec les paysans qu'il décrit, notamment les plus englués dans la tradition. Cet attachement profond à la réalité paysanne est à la source des difficultés que l'écrivain connaîtra après 1949.

Après la libération, Zhao Shuli s'est certes vu chargé à Pékin de fonctions institutionnelles importantes : président de l'Association des chanteurs et conteurs populaires, membre dirigeant de l'Association des écrivains chinois, co-directeur avec Lao She du périodique populaire Shuoshuo changchang (Contes et Chants), il est aussi élu député à trois reprises à l'Assemblée populaire nationale. Il participe également comme délégué au VIIIe congrès du Parti communiste chinois (1956). Cependant, il va se trouver rapidement en porte-à-faux avec un langage politique qui se réduit de plus en plus à des slogans.

S'il célèbre, dans son roman Sanliwan (1955, Le Village de Sanliwan, trad. franç. 1960), le mouvement des coopératives, il n'en est pas moins conscient des réticences des paysans et de la dureté de leurs conditions de vie, d'autant qu'il a occupé les fonctions de vice-secrétaire du parti dans un comité de district. Ses critiques à l'égard des communes populaires et du Grand Bond en avant, dont il dénonce les objectifs irréalistes et les surenchères mensongères, ne lui seront pas pardonnées. Revenu en odeur de sainteté à la « conférence de Dalian » (1962), qui prône « l'approfondissement du réalisme » et approuve les « personnages moyens », il est mis à l'écart dès le début de la révolution culturelle, et soumis à des séances de critique publique. Il meurt le 23 septembre 1970, à Taiyuan. Il sera réhabilité après la chute de la « bande des Quatre » : le 17 octobre 1978, son urne funéraire est exposée, avec celle d'autres révolutionnaires, dans la salle du mémorial du cimetière Babaoshan.

Ainsi le désir sincère qui animait Zhao Shuli de parler au nom des paysans a-t-il fini par le mettre malgré lui en opposition avec le parti dont il voulait servir les objectifs révolutionnaires.

— Angel PINO

— Isabelle RABUT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, université Bordeaux Montaigne
  • : professeure émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

Classification

Autres références

  • CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature

    • Écrit par , , , , et
    • 47 508 mots
    • 3 médias
    ...quotidienne ; l'auteur y épouse le point de vue et les sentiments supposés du paysan. Ses représentants peuvent être rangés en deux groupes principaux : les écrivains du Shanxi, avec Zhao Shuli (1906-1970) pour chef de file, et les écrivains du Shaanxi, derrière Liu Qing (1916-1978). Les ouvrages des premiers,...