ZHU DA[TCHOU TA](1626-1705)
Les secrets d'un bestiaire narquois
Une maturité tardive est assez courante dans la peinture et la calligraphie chinoises, où un artiste ne peut généralement espérer une pleine maîtrise de ses instruments et de son langage plastique avant la soixantaine. Dans le cas de Bada, son initiation à la peinture dut commencer de très bonne heure : son père et son grand-père avaient tous deux été des peintres et calligraphes en renom. L'album signé Chuanqi, antérieur d'une bonne trentaine d'années aux chefs-d'œuvre signés Bada shanren, est d'un grand intérêt rétrospectif en ceci qu'il nous révèle tout à la fois la constance du peintre dans l'orientation qu'il s'était choisie et l'énorme distance qui sépare de ses débuts l'idiome graphique finalement élaboré à l'apogée de sa carrière. Arrivée à son point d'épanouissement, sa peinture est caractérisée par un trait de pinceau parfaitement rond, c'est-à-dire tracé d'un pinceau constamment manié à « pointe centrée » (zhong feng). Cette perfection sévèrement contrôlée de sa technique isole son œuvre de l'œuvre de ses prédécesseurs (Xu Wei) et de ses successeurs (l'école de Yangzhou au xviiie s.). Ainsi, même au plus débridé de son invention, au plus fantasque de son inspiration, sa peinture conserve toujours une fermeté translucide, une limpide lisibilité. C'est ce contraste de fantaisie et de rigueur qui fait l'originalité profonde de Bada et, par comparaison, sur ces mêmes thèmes d'oiseaux et de fleurs, fait paraître l'expression des autres individualistes (Xu Wei, Li Shan) singulièrement balbutiante et celle des professionnels (Lü Ji, Lin Liang) tristement figée. Bada dispose en plus d'une science de la composition qui lui permet de réduire ses peintures à une douzaine de coups de pinceau, agencés selon un nombre illimité de combinaisons aussi imprévisibles qu'infailliblement efficaces, faisant de son petit monde de cigales, de tiges d'orchidées, de melons et de cailloux un vaste univers que l'on ne finit jamais d'explorer. Ainsi, il lui suffit d'un poisson minuscule pour animer la vacance d'une plage blanche : c'est l'insignifiance même de la bestiole qui donne au vide sa pleine signification, et la leçon philosophique s'accompagne d'un clin d'œil (le bestiaire de Bada est plein de ces regards obliques ou de ces yeux immenses, tantôt mélancoliques, tantôt narquois) qui nous rappelle qu'en Chine il ne saurait y avoir de grande peinture sans une dimension d'humour.
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Écrit par
- Pierre RYCKMANS
:
reader , Department of Chinese, Australian National University
Classification
Autres références
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CHINOISE CIVILISATION - Les arts
- Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT , Daisy LION-GOLDSCHMIDT , Michel NURIDSANY , Madeleine PAUL-DAVID , Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS , Pierre RYCKMANS et Alain THOTE
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...se plaît au petit format des feuilles d'album, et son art témoigne d'une compréhension globale et convaincante des éléments naturels. Moine lui aussi, Zhu Da (1626-1705) peint avec une égale spontanéité paysages et animaux. Le pinceau large ou crispé, l'encre sèche ou coulante dialoguent en des esquisses... -
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