ZHU XI[TCHOU HI](1130-1200)
Dans l'histoire de la pensée chinoise, Zhu Xi est le plus important des maîtres de l'orthodoxie après Confucius lui-même. On lui doit la restauration moderne du confucianisme, éclipsé à partir de l'époque des Six Dynasties par les développements de la philosophie bouddhique. À sa doctrine est attaché plus particulièrement le nom de philosophie de la raison (lixue), où le mot « raison » doit s'entendre au sens chinois de « raison d'être objective » des choses, à la différence de la raison connaissante, comme faculté de l'esprit, analysée par la philosophie critique occidentale. Écrivain aussi élégant que fécond, il a laissé une œuvre considérable, touchant à tous les domaines de la création littéraire et de l'érudition de son temps. Et, même si son influence idéologique s'est éteinte avec le régime impérial, ses commentaires des textes antiques conservent partiellement, aujourd'hui encore, une certaine valeur scientifique.
Les origines du néo-confucianisme
Sous les Sui et les Tang, la pensée bouddhique, armée des concepts raffinés de la spéculation ontologique indienne, avait supplanté sans peine, en Chine, dans l'élaboration d'une vision du monde mieux systématisée, plus riche de perspectives métaphysiques, la pensée traditionnelle, freinée par l'agnosticisme dans son élan spéculatif, fixée par le pragmatisme sur les problèmes concrets du maintien de l'ordre social. À partir de la fin de la dynastie des Tang, cependant, certains confucianistes s'émancipent de l'autorité des grands scoliastes Han pour transposer la vieille doctrine politico-morale de Confucius, à l'instar du bouddhisme, en termes de philosophie de l'être et de religion de salut. Cette réforme prend corps peu à peu dans ce que la doxographie de l'époque appelle la philosophie de la Voie ( Daoxue) et que la sinologie moderne désigne sous le nom de néo-confucianisme. Elle redécouvre la pensée de Mencius pour en exploiter métaphysiquement le côté mystique, précisément celui qui jusque-là avait fait repousser l'œuvre de ce philosophe en marge d'une orthodoxie attachée au positivisme de Xunzi ; elle reprend possession de la science d'origine divinatoire, longtemps abandonnée à l'école taoïste, pour s'en faire l'instrument rationnel d'une explication exhaustive de l'univers. Vaste entreprise de rénovation doctrinale largement inspirée par le bouddhisme et le taoïsme contre lesquels elle était dirigée, son élaboration sera l'œuvre, sous les Song, d'une pléiade de penseurs : Zhou Dunyi (1017-1073), Shao Yong (1011-1077), Zhang Zai (1020-1077), les frères Cheng Hao (1032-1085) et Cheng Yi (1033-1108), mais surtout Zhu Xi (1130-1200), dont la figure continuera de dominer de très haut les huit siècles suivants de l'histoire de la pensée chinoise.
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Écrit par
- Léon VANDERMEERSCH : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études
Classification
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