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ZOOLOGIE (HISTOIRE DE LA)

Les différents visages des zoologistes

La zoologie, comme d'autres branches de l'histoire naturelle, a la particularité de compter de nombreux amateurs (compris ici dans le sens de non professionnels). Certains ne sont que de simples dilettantes ne cherchant guère qu'à mieux connaître les animaux qu'ils voient autour d'eux ; d'autres deviennent de véritables spécialistes, parfois internationalement reconnus. L'histoire de la zoologie doit donc être envisagée à la fois sous l'angle d'une professionnalisation croissante et aussi d'une forte population d'amateurs. Les relations entre les deux groupes sont loin d'être simples ou statiques et présentent une grande diversité de situations (tant temporelles que géographiques). Chacun de ces deux groupes a vu définir son rôle scientifique et sa place dans la société en fonction de l'autre.

Depuis le début de la professionnalisation de la zoologie au milieu du xixe siècle, la place des amateurs a été souvent source de conflits. Certains membres d'académie ont vilipendé ces amateurs en les traitant, comme le fait Thomas Henry Huxley (1825-1895) en 1880, d' « empailleurs d'araignées et [de] botanistes de bottes de foin ». Durant la seconde moitié du xixe siècle, les techniques de laboratoire s'imposent comme étant la forme supérieure des sciences, d'où le succès des mots « biologie » et « biologiste » et le rejet d'« histoire naturelle » et de « naturaliste ».

Les amateurs jouent un rôle central dans la constitution de corpus de données ; quelques chiffres permettent d'en apprécier l'importance. Ainsi, le réseau de surveillance des papillons britanniques a rassemblé, en l'espace d'une quarantaine d'années, plus de 1,8 million d'observations n'impliquant pas moins de dix mille naturalistes amateurs. Ces informations permettent ainsi de retracer efficacement l'évolution passée des populations et de faire des simulations quant à leur avenir. L'arrivée d'un grand nombre d'amateurs a parfois bouleversé les pratiques zoologiques et a permis l'acquisition de savoirs nouveaux : c'est le cas des études sur la migration des oiseaux qui commencent à s'organiser à partir des années 1880 et qui vont se multiplier avec l'utilisation du baguage, à la fin du xixe siècle. La connaissance des voies empruntées par les oiseaux migrateurs ou celle de la phénologie de la migration n'ont été rendus possibles que par le très grand nombre de participants, essentiellement amateurs. Ceux-ci ne sont pas que de simples techniciens et leur présence exercent une profonde influence sur l'activité de certains scientifiques comme c'est le cas de Frank Michler Chapman (1864-1945), de l'American Museum of Natural History, qui soutient l'engouement populaire pour l'observation des oiseaux en faisant paraître plusieurs guides de terrain à partir de 1899. Le financement de nombreux zoologistes professionnels dépend directement de l'intérêt du grand public et de sa contribution à de puissantes sociétés savantes et environnementales, comme la Société zoologique de Londres ou la Wildlife Society (anciennement Société zoologique de New York). Ces sociétés sont à la pointe des recherches scientifiques en matière de sauvegarde de la biodiversité et sont d'une nature très différente des petites organisations naturalistes œuvrant à un échelon local.

Il faut également signaler la très faible place des femmes dans la recherche en zoologie jusqu'au début du xxe siècle ; on ne peut guère signaler que la célèbre Maria Sibylla Merian (1647-1717), mais qui, comme illustratrice, se trouve dans un champ périphérique aux sciences. Elles commencent à être un peu plus nombreuses au cours du xixe siècle, comme la Française[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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Médias

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