ZOONOSES
Créé par l’association des mots grecs zoon (« animal ») et nosos (« maladie »), le mot « zoonose » apparaît au milieu du xixe siècle. Il désigne alors une poignée de maladies humaines dont on sait qu’elles sont transmises par des animaux. Resté longtemps peu utilisé, il le devient beaucoup à partir du début du xxie siècle, car on l’associe à des maladies récemment émergentes comme la fièvre Ebola, le SRAS, le MERS et, depuis 2020, la Covid-19. Or, si « zoonose » qualifie bien l’existence d’un lien entre animal et maladie, le contenu de ce lien est loin d’être précis et ne se limite certainement pas aux pathologies émergentes. Ainsi, le dictionnaire Le Robert définit une zoonose comme « une maladie infectieuse des animaux vertébrés transmissible à l’être humain (ex. rage) ». L’adjectif « vertébré » écarte donc de cette définition des maladies comme le paludisme et les vers parasites, transmises essentiellement par des animaux sans vertèbres. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) quant à elle donne une définition plus large qui cependant fluctue selon les textes : les zoonoses sont « un groupe de maladies infectieuses qui se transmettent naturellement de l'animal à l'homme ». Ici, l’animal n’est plus seulement un vertébré. L’emploi de l’adverbe « naturellement » peut en revanche surprendre : dans un contexte de perturbation des écosystèmes par les sociétés humaines et d’émergence de maladies, la transmission peut-elle être qualifiée de « naturelle » ? Ailleurs, l’OMS pose que les zoonoses sont des maladies qui se transmettent « directement ou indirectement », c’est-à-dire que des événements successifs peuvent intervenir dans la circulation d’un agent infectieux entre l’animal et l’homme, sans qu’il y ait nécessairement un contact direct entre eux. La nature et le nombre des zoonoses se jouent donc sur le choix des critères d’inclusion : quelques centaines de maladies si l’on retient la définition du Robert, quelques milliers si l’on inclut les invertébrés, et les trois quarts des maladies humaines et animales selon la dernière définition de l’OMS citée. Comme pour « environnement », terme auquel « zoonose » est fortement associé, ce sont les contextes de l’utilisation du mot qui déterminent son acception. Cette imprécision pose problème : un terme aussi flou a-t-il vraiment son utilité en science ? On peut d’autant plus se poser la question que ses divers contenus semblent se dissoudre dans l’approche « One Health » (« une seule santé »), qui lie de manière plus générale la santé humaine à la santé animale et à l’environnement.
Les zoonoses en médecine vétérinaire et en santé publique
Le terme Zoonosen apparaît en 1855 en titre d’un chapitre du traité de médecine Handbuch der speciellen Pathologie undTherapie. Le mot est au pluriel ; il regroupe le petit nombre de maladies alors connues pour être transmises aux humains par les animaux, comme la rage, la morve équine et la vaccine, et des maladies causées par divers animaux parasites.
En 1859, Rudolph Virchow introduit le mot dans le domaine de la « santé alimentaire » lorsqu’il démontre que le ver parasite Trichinellaspiralis est transmis à l’homme par la consommation de viande de porc mal cuite. Il qualifie la maladie qui en résulte, la trichinose, de zoonose – car causée par un animal – alimentaire – car le ver responsable infecte l’homme via son alimentation. La trichinose est alors un problème majeur de santé publique en Europe du Nord, Prusse et Pologne en particulier. La découverte de Virchow aboutit à une amélioration de la sécurité alimentaire grâce à l’inspection des carcasses en abattoir dès 1869 en Prusse par des inspecteurs spécialisés, en particulier vétérinaires.
Puis, avec le développement de la [...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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