ZOONOSES
Explosion des connaissances sur les maladies transmises à l’homme par des animaux
Il n’en reste pas moins que presque tout le savoir médical qu’on retrouvera associé aux zoonoses au début du xxie siècle, se construit depuis la fin du xixe : les études de terrain, de clinique et de laboratoire sur les maladies transmises par les animaux, et particulièrement après l’apparition de la notion de vecteur, s’accumulent à partir de 1875. On peut citer comme point de départ Carlos Finlay à Cuba pour la fièvre jaune, Patrick Manson en Chine pour la filariose, dans les deux cas des maladies transmises par un insecte diptère. La parasitologie, qui se développe à la même époque, complète la bactériologie pour l’origine des maladies infectieuses et associe étroitement médecine, zoologie et éthologie des animaux vecteurs. Ces travaux montrent l’ampleur, la diversité et la complexité du rôle des animaux dans la transmission et le cycle biologique de nombreux agents infectieux. Des notions essentielles en médecine comme en biologie sont introduites ou précisées. Parmi les plus importantes, on peut citer :
– la mise en évidence d’agents infectieux microscopiques non bactériens, comme le protozoaire parasite Plasmodium du paludisme (Alphonse Laveran, 1880) ;
– le fait que la vie d’un parasite pathogène se déroule souvent dans deux animaux différents avec des hôtes intermédiaires obligés pour la réalisation du cycle d’un parasite, comme dans le cas de la filaire (Manson, 1877) et du Plasmodium du paludisme (Ronald Ross, 1898) ;
– le fait que certains animaux sont purement vecteurs d’agents pathogènes prélevés sur des réservoirs naturels infectés sans effet sur leur cycle biologique (« porteurs sains », « infection inapparente » de Charles Nicolle, 1909) comme dans le cas de la fièvre jaune (Walter Reed, 1901), ou de celui du trypanosome de la maladie du sommeil, véhiculée par certains grands mammifères (David Bruce, 1903)…
Enfin, des notions biologiques introduites au cours du xixe siècle comme celles de symbiose, de parasitisme ou encore de commensalisme sont réexaminées à la lumière de ces données associant animal vecteur, agent pathogène, et être humain.
Reconnaissance des environnements pathogènes
Les connaissances sur les environnements associés à certaines maladies – que l’on songe aux marais et au paludisme, par exemple – révèlent alors que ceux-ci sont pathogènes parce qu’ils conditionnent la vie des animaux vecteurs de maladies et le passage de l’agent pathogène à l’homme. Ces connaissances progressent rapidement tant chez les médecins que chez les ingénieurs en charge de l’assainissement et de l’urbanisme. Associées à une description précise de l’éthologie et de la biologie des animaux vecteurs, elles donnent des moyens d’intervention sur la transmission des maladies. Les niveaux de coopération interdisciplinaire atteints pour lutter contre ces dernières peuvent être très importants : la lutte contre la transmission de la maladie de Chagas au Brésil, par exemple, à partir de 1909, implique la prise en compte du logement humain, des usages de la vie domestique, de l’éthologie des punaises vectrices et de la cohabitation avec les animaux réservoirs du parasite (tatous et autres).
Les stratégies établies par les médecins italiens pour « éradiquer » le paludisme à partir de 1898 reposent certes sur l’usage de la quinine, mais surtout sur la destruction des sites de ponte des anophèles vecteurs et la protection passive contre les piqûres. Avec l’investissement de la fondation Rockefeller dès 1913 et de la commission d’hygiène de la Société des Nations (SDN) à partir de 1920, on voit se développer des études environnementales complexes des sites pathogènes (fièvre jaune, ankylostomiase et paludisme). Un lien spécifique homme-animal s’affirme dans le développement de stratégies[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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