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SINGLETON ZUTTY (1898-1975)

Décédé le 14 juillet 1975 au Roosevelt Hospital de New York, le batteur Arthur James Singleton est né le 14 mai 1898 à Bunkie, en Louisiane. Son surnom de « Zutty » est une déformation de l'adjectif « gentil » en patois créole. Au début des années 1970, celui qui avait été l'un des percussionnistes les plus recherchés du jazz traditionnel s'était vu contraint de réduire considérablement ses activités à la suite d'une crise cardiaque.

Musicien professionnel dès sa quinzième année (il accompagnait des films muets avec le pianiste Steve Lewis et se produisait dans des « parties »), il peut être considéré comme l'un des pionniers du jazz, plus exactement comme l'un de ceux qui, tels Louis Armstrong, Earl Hines ou Fletcher Henderson, ont mis fin à la préhistoire de cette musique. Car si quelque chose caractérise ce classique, c'est bien son inexpugnable modernité ! De son art est issue en droite ligne toute une conception de la batterie qui allait dominer l'histoire de cet instrument pendant les années 1930 (c'est-à-dire après la relative disgrâce du pur style New Orleans) et la première moitié des années 1940, par l'intermédiaire de Sidney Catlett. Une analyse poussée permet de discerner assez aisément des traces du style de Singleton jusque dans le drumming des batteurs bop : l'esprit, du moins, sinon la lettre. Il faut signaler à ce propos que Zutty enregistra quelques faces avec Charlie Parker, qu'il considérait non point comme un hérésiarque, mais bien comme « le plus grand » des jazzmen : « Si vous connaissiez tant soit peu la musique, disait-il, vous sentiriez cela du premier coup. »

Le premier, Singleton s'attacha à jouer des solos de batterie comportant un nombre déterminé de mesures, comme ceux des autres instrumentistes. Ce qui avant lui n'était qu'orgie sonore, démonstration spectaculaire et anarchique, devint une authentique construction musicale, rigoureusement découpée et rapportée au thème – que Zutty, à ses débuts, fredonnait en improvisant, pour s'aider à dénombrer les mesures. Mais ce soliste exemplaire se considérait avant tout comme un accompagnateur, voué au « service » des trompettistes, des pianistes (un service qui équivalait en fait, dans beaucoup de cas, à une véritable maïeutique à tout le moins à une fécondation). On remarquera que Singleton enregistra très peu de disques sous son nom et qu'il évita le plus souvent le rôle de leader ; ses interventions étaient généralement courtes : il préférait la densité et, surtout, l'intensité, à la prolixité. En revanche, il collabora à de nombreuses formations et participa à d'innombrables séances. On peut l'entendre aux côtés des plus célèbres jazzmen : Louis Armstrong, Sidney Bechet, Jelly Roll Morton, Fats Waller, Lionel Hampton, Roy Eldridge, Barney Bigard, Jimmy Rushing, Jack Teagarden, Pee Wee Russell, Slim Gaillard...

Un grand nombre de ces enregistrements sont des chefs-d'œuvre, et la présence de Zutty derrière les tambours y est certainement pour quelque chose. Les musiciens étaient, en effet, particulièrement sensibles à la qualité de son soutien : à sa variété, à sa flexibilité, à sa netteté aussi, due à une frappe remarquablement précise, et au sens des nuances, à l'intelligence dont il témoignait. Si, d'un mot, il fallait définir cet art, on risquerait celui de pertinence. En précisant toutefois, que, chez Zutty, la pertinence n'allait jamais sans cette impertinence majeure qu'on appelle, à défaut d'un meilleur terme, poésie.

— Alain GERBER

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Écrit par

  • : docteur en psychologie, membre du Collège de pataphysique et de l'Académie du jazz, romancier

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