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ZVIAGUINTSEV ANDREÏ (1964- )

Andreï Zviaguintsev s’impose comme le plus célèbre représentant de la nouvelle génération des cinéastes russes. Né le 6 février 1964 à Novossibirsk, grande ville industrielle de la Sibérie, il quitte le lycée à seize ans avec l’intention de devenir acteur (sa mère, dont il est très proche, exerçait la profession d’institutrice, mais, adolescente, rêvait d’être actrice). Il suit des cours de théâtre, d’abord dans sa ville natale puis, à partir de 1986, dans le prestigieux Institut d’État d’art théâtral de Moscou, le Gitis, dont il sort diplômé en 1990. Acteur de théâtre (dans Un mois à la campagne,de Tourgueniev), il interprète des rôles secondaires dans des séries télévisées. Puis il découvre les grands cinéastes (Welles, Antonioni, Bresson, Visconti) à la cinémathèque de Moscou. Il décide alors d’abandonner le théâtre pour le cinéma. En 2000, il réalise pour une chaîne de télévision trois courts épisodes dans le cadre d’une série intitulée La Chambre noire, avant de s’orienter vers le cinéma d’auteur.

Son premier long métrage, Le Retour, remporte en 2003 le lion d’or du festival de Venise. Chacun des films qui vont suivre recevra un prix au festival de Cannes. En 2007, le prix d’interprétation (attribué à Konstantin Lavronenko) pour Le Bannissement, inspiré par une nouvelle (« Matière à rire ») de l’écrivain américano-arménien William Saroyan (1908-1981). En 2011, le prix du jury pour Elena. En 2014, le prix du meilleur scénario pour Léviathan. En 2017, le prix du jury pour Faute d’amour.

Des apocalypses intérieures

Le thème de l’enfance est au cœur de l’œuvre d’Andreï Zviaguintsev. Son premier film met en scène, entre autorité et amour, l’enfant dans ses relations avec le père. Le Retour se déroule, en effet, comme un voyage d’agrément (la découverte d’une île et les plaisirs d’une partie de pêche) qui, très vite, se métamorphose en voyage d’initiation où le père, de retour au foyer après douze ans d’absence, affirme une volonté brutale d’imposer à ses deux fils, Andreï (quinze ans) et Ivan (onze ans), un mode spartiate d’apprentissage de la vie. Le récit qui, selon le cinéaste, épouse « l’incarnation métaphysique du mouvement de l’âme de la Mère au Père », se clôt sur une issue tragique. Le rapprochement entre les deux garçons et leur père n’a lieu qu’in fine, au contact de la mort. Dans Le Bannissement, c’est l’enfant attendu qui bouleverse la vie d’un couple. Véra confie à son mari qu’il n’est pas de lui. Dépourvues d’amour, les réactions d’Alexandre détruisent le couple et provoquent la mort de la jeune femme. Pour aider financièrement son fils Sergueï, au chômage, et son petit-fils, la protagoniste d’Elena se résout à empoisonner son mari, Vladimir, qui a légué toute sa fortune à sa fille née d’un premier mariage. Le cinéaste voit dans cette décision « l’anéantissement d’une âme » (Télérama, 20 septembre 2017). Quant à l’intrigue de Faute d’amour, elle repose sur la disparition d’un enfant (Aliocha) provoquée par le divorce de ses parents qui, après douze ans de mariage, veulent refaire leur vie (Boris avec Macha, Genia avec Anton).

Dans Le Bannissement,une petite fille lit un passage de la Première Épître de saint Paul aux Corinthiens : « Quand j’aurais la plénitude de la foi (...), si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » À partir de son troisième film, Andreï Zviaguintsev ouvre l’analyse psychologique sur un registre métaphysique et politique. « Forte et fragile, l’âme est le bien le plus cher de l’homme. C’est la seule force dont il puisse se prévaloir » (Télérama, 20 septembre 2017). La Russie contemporaine que décrit son œuvre apparaît comme un pays qui semble avoir perdu son âme. Elena montre un univers où dominent le mépris de l’autre, la drogue,[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma

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