10-28 juillet 2000
France. Conclusion d'un projet d'accord sur l'avenir de la Corse
Le 10, le gouvernement présente aux élus corses ses propositions sur l'avenir de l'île, arrêtées à l'issue du processus de discussion qui a été engagé en décembre 1999 par le Premier ministre Lionel Jospin. Un accord de principe se dégage sur la généralisation de l'enseignement de la langue corse, sur le régime fiscal – avec des exonérations conçues comme des incitations à l'investissement et une période de transition de dix ans en matière de droit de succession –, enfin sur le financement de l'économie – amélioration de l'accès au crédit et loi de programmation d'investissements publics sur quinze ans. Sur les questions principales, relatives à la simplification des institutions de l'île et au transfert de compétences législatives à l'Assemblée de Corse, la discussion reste ouverte. Le gouvernement exprime toutefois sa préférence pour le maintien d'une collectivité territoriale et d'un département, dotés d'une Assemblée et d'un exécutif uniques, plutôt que pour la création d'une collectivité unique. Matignon se prononce également en faveur de la délégation d'« un large pouvoir réglementaire » dans de nombreux domaines de compétences qui ne nécessitent pas « une dévolution de pouvoir législatif ». Le document envisage toutefois, comme l'exigent les nationalistes, la possibilité d'un transfert de compétences législatives, à titre dérogatoire, limité dans le temps et encadré par le Parlement.
Le 12, lors d'une réunion informelle, l'Assemblée de Corse approuve, à quelques réserves près, les propositions du gouvernement. Sur les deux questions institutionnelles, elle demande la création, avant le terme de son mandat en 2004, d'une collectivité unique et l'octroi d'un pouvoir législatif qui ne soit pas contrôlé par le Parlement.
Le 18, le journal Le Monde publie un entretien avec le ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, dans lequel celui-ci constate que le gouvernement « est passé sous les fourches caudines des nationalistes [...] sous le chantage à la reprise des attentats ». Le ministre se déclare hostile à toute concession d'un pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse, qui « risquerait bien vite d'exprimer surtout des intérêts politico-mafieux ». Jean-Pierre Chevènement met en garde Lionel Jospin : « Il sait jusqu'où je ne peux pas aller. »
Le 20, le gouvernement présente aux élus corses son projet d'accord-cadre sur l'avenir de l'île, destiné à « mieux prendre en compte les spécificités de la Corse dans la République » et à « fonder durablement la paix civile ». Celui-ci prévoit « la suppression des deux départements » et la « mise en place d'une collectivité unique », ce qui implique une révision constitutionnelle. Concernant le transfert de pouvoirs, le texte annonce le dépôt de projets de loi qui prévoient « de doter la collectivité territoriale de Corse d'un pouvoir réglementaire » et de lui donner « la possibilité de déroger [...] à certaines dispositions législatives » sous le contrôle du Parlement. Dans un arrêt de juillet 1993, le Conseil constitutionnel avait jugé ce type de dérogations conforme à la Constitution. Mais, le projet gouvernemental envisage « l'élargissement et la pérennisation » de ce dispositif. Cette étape supplémentaire exige une révision constitutionnelle qui reste conditionnée au bilan de l'étape transitoire, à l'accord des pouvoirs publics qui seront alors en fonction et au « rétablissement durable de la paix civile ». Les propositions relatives au statut fiscal, au financement de l'économie, à l'enseignement de la langue corse et au vote d'une loi de programmation restent quasi inchangées. Les révisions constitutionnelles évoquées n'auraient pas lieu avant 2004. Dans l'opposition, le R.P.R. et le R.P.F. expriment des réserves sur le projet d'accord, évoquant respectivement la « mise en cause de l'unité nationale et de l'indivisibilité de la République » et le « démantèlement de l'État ». Jean-Pierre Chevènement fait savoir qu'il « ne présentera pas le projet de statut pour la Corse » au Parlement.
Le 28, l'Assemblée de Corse approuve les propositions du gouvernement par 44 voix contre 2 et 5 abstentions. Évoquant dans son discours la paix civile, Jean-Guy Talamoni, chef de file de Corsica Nazione, déclare que « c'est au gouvernement d'en créer les conditions ».