15-30 juin 1994
Rwanda - France. Mise sur pied d'une opération humanitaire française au Rwanda
Le 15, lendemain de la signature, à Tunis, en marge du sommet de l'Organisation de l'unité africaine (O.U.A.), d'un cessez-le-feu entre le Front patriotique rwandais (F.P.R.) et le gouvernement intérimaire rwandais (G.I.R.), le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, annonce que la France « serait prête » à intervenir au Rwanda avec ses partenaires européens et africains « si les massacres continuent et si le cessez-le-feu n'est pas respecté ». Cette intervention serait destinée à « protéger les groupes menacés d'extermination » dans l'attente de la mise sur pied de la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (Minuar) qui doit compter 5 500 hommes. La France était intervenue militairement au Rwanda entre 1990 et 1993 afin de défendre le régime du général Juvenal Habyarimana menacé, déjà, par les forces du F.P.R. Rejetée par ces derniers et considérée avec réserve par l'O.U.A., par la Minuar et par nombre d'organisations humanitaires, l'initiative française est bien accueillie par le secrétaire général de l'O.N.U. Boutros Boutros-Ghali, ainsi qu'en Europe et aux États-Unis. Aucun pays, toutefois, ne propose l'envoi de soldats, hormis le Sénégal.
Le 22, le Conseil de sécurité de l'O.N.U. adopte de justesse la résolution 929 qui confie à la France le soin de diriger une opération « strictement humanitaire » d'une durée de deux mois au Rwanda, et lui accorde le droit d'employer « tous les moyens nécessaires » pour conduire sa mission. Cette décision, qui ne résulte de la demande d'aucune des parties au conflit, consacre le droit d'ingérence reconnu par l'O.N.U. à l'occasion de l'opération américaine « Rendre l'espoir », en Somalie, en décembre 1992.
Le 23, les premiers soldats de la mission « Turquoise » pénètrent au Rwanda où ils sont accueillis avec joie par les réfugiés qui fuient les combats et les massacres. Commandés par le général Lafourcade, les 2 500 hommes qui la composent sont basés au Zaïre, à la frontière rwandaise. Leur action s'étend dans une zone encore contrôlée par le G.I.R., tandis que la moitié est du pays est aux mains du F.P.R. Ce dernier, qui avait affirmé qu'il considérait l'opération française comme une « agression », décide de la tolérer à condition qu'elle reste humanitaire.
Le 30, le juriste ivoirien René Degni-Segui rend public le rapport d'enquête sur la situation au Rwanda que lui avait demandé la Commission des droits de l'homme de l'O.N.U. Il évalue à 500 000 morts le bilan des massacres « programmés » qu'il qualifie de « génocide ».